i»'«_<.
m
-9
J»
IRR ■ «
wq^
m
N THE CU5T0DY OE THE
B05TON PUBLIC LIBRARY
■ ■»
IjH
»ii
:'i/
¥*~
I
.» *
*^sfi
-9 ^
'• *
K^ i b
»*:>#
L-
*.
HISTOIRE
DE
J ACQUE-AUGUSTE
DE THOU
TOME Q^U AT R I E M E.
HISTOIRE
UNIVERSELLE
DE
JACQUE AUGUSTE
DE THOU,
Depuis 1543. jufqu'en 1607.
TRADUITE SUR L'EDITION LATINE DE LONDRES.
TOME QJJ A T R I E M E.
1560.
1564.
A LONDRES.
M. D G C. XXXIV.
<MAM?t,.
Xjt *XJl -4X*- <mH -jL**. -4X* -*X* •**>■ 4Jf A. -4i*CA ^4*> -M^- 4*' A H*^ 43KJt *X>
Œ*S*< 4c 4e fc******-* '••#'*'## ^«S
S<3s vr* v.* v y>* y.* yy ?mj yy y,* y* y>* y,* v y,* y* y* y>* v y>* y.* i* y* y* y* y>* y>* h* y>* *.* y>* v.* • y,* »•* y,* %£è
gj£ T* * » * V* V* »> a V V* *V V* * * V* »V V* wR *> *V » «t >V *V *V *V »V «V âfc *V * V * * * * Va V* V* • V* *V * V wXr _
Zïfci -t*.* olKJc ^» 4àHtLr A» -4iï> -CfcJt 4XJt 4U&*- -*X* -**>- ^XJf- A» -**> *» -**> A*> a
^^^^S^ê^^^&^^^& 3§& ^& m & 3ç£ sp SPg
SOMMAIRES
DES LIVRES
CONTENUS DANS CE QUATRIE'ME VOLUME.
SOMMAIRE DU LIVRE XXVII.
Commencement du règne de Charles IX. Affemblée . des Etats à Orléans. Difcours du Chancelier de ÏHo- C HA£ L E fïtal. Jean l'Ange parle pour le Tiers Etat s Jacque de l - 6 '0t Silly y pour la Noblejfe s & Jean Quint in , pour le Clergé. Suites du difcours de Quintin. Plaintes contre les Guifes. Quelques réglemens. Semences de diVifion entre les Princes <? les Grands du Royaume. Prorogation des Etats s régle- mens à cefujet. Clôture des Etats s Quintin fait excufes à l'amiral. Mort tragique du Marquis de Beaupreau. Guer- re contre les habit ans des Vallées , qui étoient Vaudois. heur profejjîon de Foi. Ils font maltraités par le Roi, par le Duc de Sayoye,par les Moines <&r les Gentilshommes "Voifins. Dep cription des Vallées, Vie t? mœurs des habit ans de Fraiffo. Suite de la guerre contre les Vaudois. Ils prennent les ar- mes y dociles à la "Voix de leurs Mini/Ires ? ils les mettent las y V extrême niceffité les force de les reprendre. Le comte
de la Trinité cherche a les divifer par des proportions de Tome. IV. a
aSSffî^SSZSESSlK
ij SOMMAIRES.
paix s il fait une efpece de Traité , qu'il ne tient pas. Nou- Char le v elles "Vexations. Prodiges "vus pendant l'année 1560. IX. Traité entre les Vaudois de France & ceux de Savoy e. Suite de laguerre contre les habitans des Vallées. Vitloires rem- portées par ces habitans fur les troupes de SaVoye. Propor- tions de paix. Nouvelles ho(lilite\. Conclu fion de la paix accordée par le duc de Savoy e aux habitans des Vallées. Les Prote/lans des Pays-Bas font maltraités. Leurs remontran- ces au Roi d'Efpagne. Affaires de France. Mémoire pré fen- te au Roi de Navarre. On caffe les compagnies EcoJJoifes» Retour du prince de Condé a la Cour y ou il eft déclaré inno- cent. Différends entre la Reine mère ey le roi de Navarre, qui menace de fe retirer. Le Roi retient le Connétable. Le roi de Navarre prend le parti de refier à la Cour. Les affem- liées pour la tenue des Etats embaraffent la Régente par leurs propofîtions. Elle fe réconcilie avec le roi de Navarre, ConVerfation du roi de Navarre avecï Ambaffadeur de Dan- nemarck fur la Religion. La Reine mère tache de gagner le Connétable. Son adreffe. Conduite du Connétable. Sermon de Montluc évèque de Valence. Le Connétable fe reconcilie avec les Guifes. Les Colignis ne peuvent ébranler le Conné- table, jiffemblée du Gouvernement de Paris. Suites de l'u- nion du Connétable avec les Guifes. Sacre du Roi. Origine doute ufe , nombre <jr rang des Pairies. Privilège des Prin- ces du Sang. Conte flations fur les rangs , excitées par les les Guifes 3 <jr terminées par la Reine mère. Mécontente- ment du duc de LonguevilU.
SOMMAIRES. iij
C HARLE
SOMMAIRE DU LIVRE XXVIIL ,**•
ARrk du Parlement de Paris qui déclare le prince de Condé , Hr ceux qui koient en caufe avec lui , inno- cens, Troubles au fujet de la Religion, Ordonnance du Roi a ce fujet 5 le Parlement de Paris défend de la publier , & fait des remontrances. Plaintes du cardinal de Lorraine contre la Déclaration. Le Roi Vient au Parlement, Edtt de Juillet, Colloque réfolu , <&r convoqué a Poiffy, Réconcilia- tion du duc de Guife avec le prince de Condé, Aff emblée des Etats, Conteflation entre les Cardinaux <T les Princes du Sang y fur la préfeance ? décidée en faveur des Princes. Dif cours prononcés dans ïaffemblée des Etats, Moyens de payer les dettes de l'Etat, Mort de la duché ffe de Mont pen fier. Lettre de la Reine mère au Pape, Colloque de Poiffy. Dif cours du Chancelier , du cardinal de Toumon , de Théodore de Be^e furla cène s fa lettre à la Reine, Seconde affemblée. Difcours du cardinal de Lorraine. Requête des Miniftres Proteflans. Conférence particulière , Be^e parle , d'Ef pence répond s de Saintes parle , Be^e réplique s le cardinal de Lorraine prend la parole , Be\e lui répond, Baudouin pre- fente un Traité pour terminer les différends de la Religion , les Proteflans le rejettent. Autre conférence , Be^e parle le premier , d'Efpence enfuit e , & enfin Vermilio. "Difcours de Laine^j. Dernière affemblée. Reflexions fur ce colloque, Difcours de Montluc furies devoirs des Pafleurs , ÏEveque de Trqyes fe fait élire de nouveau par les Proteflans > IT enfuite réordonner. La Reine envoyé un Ambaffadeur ex- traordinaire en Efpagne j il ne réufflt point dans f es négocia-*
aij
iv SOMMAIRES.
tions ~) mais il découvre des intrigues. Arrêts notables du J^LE Parlement de Paris. Affaires d'Italie tir d'Allemagne. Bul- i ç 6 i te du Pape pour la convocation du concile général. Ecrit con- tre cette Bulle. Nonces envoyés aux princes d'Allemagne > les Ambaffadeurs de l Empereur les accompagnent. Audien- ces des uns <&r des autres s réponfes des Princes affemblés â Naumbourg P & du roi de Dannemarck. La reine a" Angle- terre refufe de recevoir le Nonce. Sujet de l affemblée de Naumbourg. Mariage d! Anne de Saxe avec le prince d'O- range, Couronnement du roi de Suéde. Révolution de la Li- Vonie. Traité avec la Pologne. Changement arrivé dans la Valachie. Procès fait aux Caraffes > le cardinal Caraffe y fon frère , &fes par ens font condamne^ a mort & exécute^. Népotifme fous Pie I V. Le Sénat de Venife fe plaint du Pape. Affaires de France. Le roi d'Efpagne Veut aVoiy part au gouvernement de la France > Le roi de Navarre s'y oppofe y on s'efforce de le gagner j Vincent Lauro entre dans fa m ai fon. Hyppolite dEfl Légat en France fe joint à l'Am- baffadeur d! Ef pagne pour féduire le roi de Navarre. Edii de Novembre. Nouvelle affemblée tenue a S. Germain. Le duc de Guife > le cardinal de Lorraine , i? le duc de Ne- mours quittent la Cour. Emeute a Dijon. Sédition a Paris. Mémoire juftificatifdes Prote flans. Morts de plusieurs hom- mes célèbres y de TarnoVV > Faérno , Arnaud Artenius y V Wolmar.
SOMMAIRE DU LIVRE XXIX.
A.
Vf air es d'EcoJfe. Voyage de la Reine Marie réjolu, Ambajfade de Gilles de î^oatlles en Ecojfe > (?
SOMMAIRES. v
et Henry Cl ut in fleur d'Oyjel en Angleterre. La Reine arrive en Ecoffe. Commencemens de fon régne. Ambaffade de Me~ ^h arle tellan en Angleterre. Mariage de Jacques frère naturel de J
la Reine > elle lui donne le comté de Murray. Conspirations contre le comte de Murray. Entreprijes contre la Reine <& le comte de Murray. Victoire du comte de Murray 5 fuites de cette viSloire. Synode £ Angleterre. Affemblée des Députés ■ de tous les Par le mens de France à S. Germain en Laye, Dif- l * 2' cours du Chancelier. Edit de Janvier qui modère celui de Juillet , regiftréen Parlement après bien des ré finances. Son- mifljîon des Proteflans a ÏEdit. Projet de règlement fur les Images. Lettres du roi de "Navarre a quelques Princes d'Allemagne. Réponfe de lElecleur Palatin. Entrevue des Guifes avec le duc de Wurtemberg a Saverne. Retour du duc de Guife s maffacre de Vaffy. Craintes <&r agitations de la Reine mère. Lettre du duc de Guife au duc de Wirtemberg. Députation des Proteflans pour demander juftice fur le maf- facre de Vaffy. Entrée du duc de Guife dans Paris. La Reine allarmée du Triumvirat a recours au Prince de Condé. On preffe le Roi ts la Reine fa mère de Venir a Paris. Dif pofitions à une guerre civile. Embarras de la Reine. Le Triumvirat fe rend maître du Roi <& de la Reine. Expé- ditions du Connétable. On exclut le Chancelier des Confeils. Le prince de Condé s' empare d'Orléans. Accident arrivé à la Prmceffe de Condé. Le Prince écrit d'Orléans à toutes les Eglifes Prote fiantes du Royaume. Manifefle de ce Prince s Il écrit aux Princes Proteflans d'Allemagne. Traité entre le Prince & fes Confédéré^ Traité imputé au Triumvirat. Le Roi &r la Reine déclarent quils ne font point en captivité. Enit qui renouvelle <ts étend t Edit de Janvier. Jacques d ^ingén- ues efl envoyé aux Princes d'Allemagne. Maffacre des Pro~
a iij
vj SOMMAIRES
teftans a Sens. Lettre du Prince de Condé à l'Empereur* C h a r l e succès des Proteftans dans la Npnnandie. Révolte de la V/7- ~r le de Rouen. Ecrit des Proteftans de Rouen. On convoque le Ban & r Arrière- ban s les Proteftans refufent d'y Venir y ils s'emparent du Mans. Lettres du prince de Condé aux Par- lemens de Paris & de Rouen, On fe fortifie des deux co~ tex* La Reine cherche des Voyes de pacification. Lettre du prince de Condé à la Reine s £? réponfe. Deux Requêtes du Triumvirat au Roi. Réplique Violente du prince de Condé j envoyée en divers lieux. Synode des Eglifes Proteflantes te- nu à Orléans.
SOMMAIRE DU LIVRE XXX.
Dits pour chajfer les Proteftans de Paris. Le roi de Navarre d'un coté & le Prince de Condé de l autre fe mettent en campagne. Entrevue de la Reine avec le prince de Condé. Lettre du Prince à la Reine ir au roi de Navarre. Commandement fait au Prince de mettre les armes bas. Nou- velle négociation. On fe difpofe à la guerre. Difcipline oh* fervée dans ï armée du Prince. On fait encore des proposions de paix. Demandes des Confédéré^ du Prince j la Reine les accepte j le Prince vient trouver la Reine > fa condefcendance s craintes <? foupcons de [es Confédérées Us viennent à T al fi s la Reine les reçoit très-bien O* les remercie : première confé- rence y réfolution des Confédéré^ du Prince s féconde confé- rence y murmures des foldats du Prince , fon armée marche la nuit & s'égare > les deux armées décampent , le Prince reprend Beaugency , <&r l'abandonne au pillage. Le Trium- virat prend Blois , is" l'abandonne à la fureur du foldat. On
IX.
i 5 62*
SOMMAIRES. vîj
en fait autant a Mer. Les Prote flans pillent les Eglifes à ' Tours > <JTc. V Arrêt du Parle?nent de Paris contre les ^ "a R l e Prote fi ans caufe des maux affreux dans la Touraine y le Vendbmois l? l'Anjou. Cruauté^, des Catholiques en Anjou , en Touraine y & au Maine. Deux hommes extraordinaire- ment cruels. Autres, cruauté^ exercées ailleurs contre les Prote flans. Ce qui fe paffa en Normandie , à Rouen > à Valogne , &c. Entreprifes du duc d! Aumale. Siège du Fort de Sainte Catherine près de Rouen. Arrêt du Parle^ ment de Normandie contre les Proteftans s Us en appellent au Roi majeur. La Mille de Rouen fe prépare a une yigou- reufe défenfe. Mefures que prend le duc d' Aumale. Les Prote fi ans follicitent les fecours d'Angleterre j quelques-uns s'y oppofent. Trois factions en Normandie. Hoftilite^Z? bri- gandages de toutes parts. Le Prince de Conde fe rend maî- tre de Bourges. Manifefle de ce Prince. La Reine mande au Prince ce qu'on "va faire contre fon parti s réponfe du Prince y fes motifs de réeufation contre plufieurs Confeillers <S Préfidens du Parlement de Paris. Déclaration du Roi contre les Proteftans , enregifirée & confirmée par un Arrêt de ce Parlement. Le Prince de Condé follicite des Jecours en Allemagne. Manifefle de ce Prince. Lettre des Seigneurs Proteftans à l'Empereur. Troupes auxiliaires d' Allemagne <C? de Suiffepour le ferYice du Roi. Le prince de Condé preffe les fecours d' Angleterre s il écrit au prince de Hejfe s H obtient des Princes de l'Ejnpire des Troupes & de l'argent. Situation des affaires dans le Poitou , prife de Poitiers , de ChauVigny & de la Trimoille. L'armée Royale affiége Bour- ges , Coligny prend un con"\>oy s le duc de Guife tente le Com- mandant y <ty l'engage à fe rendre j articles de la capitulation, Troubles dans ï Angoumois 7 la Samtonge & le payis d'Au-
-«»»
IX.
vu) SOMMAIRES.
nis s cliver fes entreprifies > cruauté^ tir brigandages des deux tvRLE c^te^ Quefition , fi on peut prendre les armes pour caufe de Religion , agitée dans une ajfiemblée tsr dans un Synode. Apres quelques avantages , les affaires des Proteftans fit dérangent. On décide que les Protefitans peuvent prendre les armes s ils fiont chajfiés de Limoge , t$ on leur enlève Mon- Iron,
SOMMAIRE DU LIVRE XXXI.
Près la prifie de Bourges on délibère fi on fera le filége _ d'Orléans , ou de Rouen. Ce qui fie pajfie a Meaux 9 à Chaalons , à Trqyes , à Bar -fiur -Seine , dans le Rémois , à Romeru & ailleurs , a Auxerre , a NeVers , a Corbigny , a Antrain ,a la Charité ? <jr autres lieux voifins , à Gien , à Moulins , à AurillaCy à Argentat <ST Fontaine-Jean s en Bourgogne , à Dijon , à Is fur Tille , tjP à M ire beau , a Aufifione , à Beaune ? à Chalons fiur Saône > à Autun , à Ma- çon y (y aux environs > à Valence > en Daupbiné , a Lyon. Sentimens du prince de Condé fiur le renverfiement des Ima- ges > Ecrit contre le culte des Images. Ce qui fie pajfie dans le Lyonnois > le Forct^ , <ty le Dauphiné. Remarques fiur la, principauté d'Orange. Orange pris , pillé t? brûlé par les Catholiques. Expédition du baron des Adret^y fia barbarie, arrivée de Soubi^e à Lyon , il y fait venir des Suijfies. Di- vers avantages dans ïun ï? l'autre parti. Ce qui je pajfie en Provence , à Aix & aux environs. Sommerive ajfiocié a Jon père dans le gouvernement de Provence > ils fiont oppofiés l'un a l'autre. Entre prifie s de Sommerive. Il ajjiége Ci fier on s il m levé le fiiége. Bntreprifies des Proteftans, ViRoire de
Vaureas*
SOMMAIRES. S*
Vaureas. T^efiroidiffement du haron des Adret^ pour le parti
P rote fiant. Sommer ive prend Ci fier on , la garni fin £? le peu- Chule
pie en fortent , leur marche > ils fe retirent à Lyon > Tentati- '
y es fur cette Ville. Le Roi envoyé le duc de Nemours pour
commander V armée Catholique. Ce Général prend Vienne.
Divers fiucces de part & d'autre. Différends entre le Roi
i? le duc de SaVoye terminés.
*4.
SOMMAIRE DU LIVRE XXXII.
COncile de Trente s première Sejjlon fous le Pontificat de Pie IV. ou dix-feptiéme depuis la première conVo- cation fous Paul III. difficultés quelle fait naître. Seconde Sejjion y ou dix - huitième. Amhaffadeurs de l'Empereur } on drejfie un fauficonduit s on met fur le tapis l 'affaire de linflitution des Eveques yi? de la réfidence. Amhaffadeurs dUEfpagne ? de Suiffie > de Florence 5 conte fi atiom fiur la pré- feance. Troifiéme Seffion. Quatrième Seffion , ou dix-neuf is* Vingtième. Amhaffadeurs de France s prévenions du Pape contre les François s H Veut Venir d Boulogne. Cinquième Seffion y ou Vingt-unième. Sixième Seffion 3 ou vingt-deu- xieme s Plaintes du Roi s arrivée du cardinal de Lorraine au Concile 5 conte flation fur la préfiance entre la France <£jT VEfpagne. Ordre Militaire de S. Etienne établi en Tofia- ne. Corne duc de Florence accablé de chagrins domefnques. Eletlion de Maximilien pour Roi des Romains faite a Franc- fort y détail de cette cérémonie , fin couronnement dans la même Ville ,fefiin Impérial. Trêve conclue entre V Empereur <Ur le Sultan. Guerre dans le Nord eau fée par Eric roi de
Suéde. Affaires de France dans la Guyenne <ùr le Languedoc ^ Tome IV. e
IX.
x SOMMAIRES.
à Bordeaux , à Agen , a la Plume, a Perigueux yk Moif T^?L Efac & à Auch s majfacre des Proteftans de Cahors y meurtre du Seigneur de Fumel s Commijfaires nommés par le Roi, Expéditions de Blaife de Montluc. Emeute de Touloufe i conduite du Parlement y Déclarations du Roi y ce Parlement riy a point d! égard. Suite de la guerre civile s entreprifes , fucces O* cruauté^ de part <&r d'autre y à Gaillac y à Ra~ bafteins y h Montauban > à Limoux y <LTc. à Beaucaire y â Fourques y à Donchamp y à Béliers 7 <tyc. à Montpellier, Victoire des Proteftans dans la plaine de S. Gilles > fuites de cette yitloire.
SOMMAIRE DU LIVRE XXXIII.
S Vite de la guerre ciyile en Guyenne. Diyerfes entrer prifes des Catholiques £? des Proteftans à Agen , 4 Bordeaux y à ISferac y au payis entre la Dordogne & la G a- ronne y 4y Places yoifines y a la Seuye y a T argon. Retraite de Duras y fucàs des Catholiques s fucces des Proteftans * Entreprifes de Burie y de Duras t? de Bordet s heureux fucces de Burie y i? de Montluc père 4S fils. Horrible majfacre des Proteftans a 11 ar aube. Suite de la guerre ci- y île en Normandie. Traité du Prince de Condè ayee la Rei- ne d 'Angleterre. Siège de Rouen y éyénement remarquable par rapport à Fr. de Ciyile. Le roi de Nayarre eft blejfé, la yille de Rouen efî prife <? pillée. Edit du Roi 5 féyérité du Parlement malgré l'Edit. Le Confeil de la Ville établi à Orléans ufe de repréf ailles. Mort du Roi de Nayarre y [on penchant pour la Religion Proteftante y portrait de ce Prin- ce. Dieppe j ait fon accommodement s on accorde les mêmes
SOMMAIRES. Xj
conditions à la Ville de Caen $ les Proteflans reprennent Dieppe, Combat de Ver entre Burie <& Duras , Défaite de HJ^ LE Duras , fuites de cette défaite. Terride affiège Montauban. 1 ^ 5 2t les Etats de Languedoc donnent à Cruffol le gouvernement de la Province. Siège de Grenoble, levée de cefïége , mécon- lentement i? conduite du Baron des Adret^ il efl arrêté par les Proteflans. Secours d'Allemagne amenés par dt An- delot. Déclaration du Roi portant abolition dupajfé. Ma- nifcfte du Prince de Condé j il fe met en campagne , fes entre prifes , & fes négociations. Mort du Premier Prési- dent le Maître > Cbrifîopble de Tbou luifuccede, fin éloge* Entreprifes & négociations fans fucces.
SOMMAIRE DU LIVRE XXXIV.
E Prince de Condé s'éloigne de Paris , V armée du Roi le fuit. Bataille de Dreux , le Connétable efl fait pri- sonnier 3 le prince de Condé l'efi auffi. Le maréchal de faint .André eft pris , il eft tué <ts pourquoi. Singularité^ de la bataille de Dreux , fuites de cette bataille. Mort du cardi- nal de Poumon y éloge des Jefuites dont le cardinal de Tour- non étoit le protecteur. Mort du maréchal de Thermes , de Pierre Martyr , d'Amerbacb , d'Houllier fameux médecin y de Faïïopin , de Lando , de CaValcanti. Suites de la bataille ' de Dreux. Expéditions des Proteflans en Guyenne. Conti- l $ î\ nuation du fîége de Montauban. Annonay eft pris tsr pillé. Emeute à Touloufe. Brigands dans la Gafeogne. Entrepri- fes du duc de ISfemours. La ville de Lyon rentre fous lo- béiffance du Roi. Etat des affaires dans le Dauphiné. Siège
de Grenoble. Expédition des Proteflans. Mouvemens de l'ar-
e ij
xi) SOMMAIRES.
mee royale , t? de celle de Coligny > marche de V Amiral i?
C h a r le Jes expéditions. Arrivée de la flotte d'Angleterre, Prife du
*^* château de Caën. Siège d'Orléans. Poltrot de Merey bleffe
le duc de Gui fe d'un coup de pijlolet s interrogatoire <£?* ré-
ponfes de Poltrot. Mort du duc de Guife , fon éloge. La
Reine mère Veut confier le gouvernement du royaume au duc
de Wirtemberg. Les Proteflans fe rendent maîtres de la
Charité y de Ray eux , defaint Lo , d'Avr anches , de Vire y
d'Honflcur. Retour de l'Amiral , <? fes expéditions. Pol-
trot e(l mis à la queflion s il Varie dans fes réponfes i? eji
tcartelé. Funérailles du duc de Guife. La Reine mère fait
la paix avec le prince de Condé. Avis de 72 Minières tou-
chant la paix. Edit de pacification*
SOMMAIRE DU LIVRE XXXV;
Amiral de Coîigny fe plaint des conditions du Traité.
^jL'Edit de pacification efl publié par-tout. Adultère puni de mort à Orléans. Commiffaires envoyés dans les Pro- vinces pour faire exécuter F Edit. Oppojttion du Parlement de Touloufe. Damville maltraite les Proteflans du Lan- guedoc. Déclaration qui interprète F Edit. La Reine mère amufe le prince de Condé. Mort de la prince ffe de Condé. Damville traite mal la ville de Pamiers. Edit pour F alié- nation des biens Eccléfiaftiques. Le prince de Condé déclare que Coligny efl innocent de la mort du duc de Guife. Suites de cette Déclaration. On déclare la guerre à la Reine d' An- gleterre. Siège & prife du Havre de Grâce. Le Roi efl déclaré majeur au Parlement de Rouen. Difcours du Roiy du Chancelier ? du Premier Préjident y la Reine mère f§
SOMMAIRES. *ïij
démet du Gouvernement, Publication de lEdit. Edit fur les dixmes. Remontrances du Parlement de Paris fur tE- Charle dit de majorité : réponfe du Roi. Arrêt du ConfeiL Lafa- mille du duc de Guife prie le Roi de punir les auteurs de fa mort. Edits fur les Tranjacîions y fur les mines <£? miniè- res , fur la Librairie , en faveur de la ville de Paris. Eta- bliffement de la JurifdiSîion des Confuls. Edit des Conflgna- tions pour les proce^. Mort du Maréchal de Briffac. Af- faires du Concile. Demandes des Ambaffadeurs de France, Edit pour le rétablijfement des Annatcs. Lettre du Roi au Concile. Suite des affaires du Concile. Lettre de V Empereur au Pape s fuite des affaires du Concile. Ambaffadeurs pour juftifier le Traité de pacification. Bulle contre quelques Pré~ lats de France , & contre la Reine de ISfaVarre. Mémoire contre la Bulle inique du Pape. Suite des affaires du Con- cile. Lettre de la Reine mère a Lanfac. Projet d'un décret contre la puiffance des Princes. Lettre , Ordres Z? infime- tions du Roi à [es Ambaffadeurs à ce fujet. Difcours de du Terrier Ambaffadeur du Roi au Conçue. TSfos Ambaffadeurs prote fient , i? le Roi ratifie leur proteftation. Moyen em~ ployé par le cardinal de Lorraine pour accommoder cette af faire. Vingt -trois l? vingt- quatrième Se f ion. Vingt-cinq & dernière. Défenfe des Duels. Fin du Concile. Pie ÎV9 en confirme les Décrets y& fait plufieurs ré^lemens. Révo- lutions dans la Valachie. Mort de Jean Brodeau , d'Etienne de la Bo'étie ? d'Arnaud du Ferron , de Jean-Baptifte Gello ^ de Mufculus , de Glareanus , de Caflalion. Pefte en Aile* magne* Tremblemens de terre en lllyrie , <& ailleurs.
e ii)
&w SOMMAIRES.
SOMMAIRE DU LIVRE XXXVI.
Es Génois font obligés de rendre Final. Soulèvement jdans Vïfle de Cor Je. Siège d'Or an, Entreprife fur Pegnon de Vele^. Troubles en Italie. On Veut établir Vin- quifition à Milan. Affaires d'Ecoffe & d'Angleterre. Mort de Guillaume Pagett , du comte de Rutland ? de Françoife de Sujfolck. Guerre dans le Nord. Entreprifes d'Eric de Brunfwick. Suite de la guerre du Nord. Entreprife de ™ t~ Gromback. Suite de la guerre du 2S(ord. Mort de l'Empe- reur Ferdinand : maxime de ce Prince oppofée a l'efprit de perfécution. Eloge de Caffander. Morts de Calvin , de Bor~ rée y de Bibliander , de Giambullari , de Vefale , de Morely de Boteon. Mariages, Troubles dans l'Empire caufés par la diverfïté de la Religion. Affaires de Lithuanie <ZS* de Mof- covie. Affaires de France. Déclaration en faveur du Clergé, Règlement pour le commencement de ï année. Edit pour la démolition du palais des Tournelles, Palais des Tuilleries. Confpiration découverte, Ambaffade de Philippe , du Pape 7 <S du duc de SaVoye. Confultations de Dumoulin. Voyage du Roi. Plaintes des P rote fi ans s on les maltraite en divers lieux. Edits & Déclarations contraires d l'Edit de pacifi- cation. Edit concernant les cabarets tst les auberges. Henry de Navarre. Nouvel Edit pour maintenir la Paix. Plaintes des Protejlans. affaires d'Italie. .Affaire de la préfeance terminée en faveur du Roi de France, Le duc de Florence rèfvrne h fon fils le gouvernement de [es Etats. Suite du} fouleVement dans l'Ifle de Corfe, Prife du Pegnon de Ve- le\. Mort de Michel- Ange. François de Florence traite de fon mariage avec une princejfe d'Autriche. Guerre de
SOMMAIRES. *V
Hongrie. Affaires de Rome. Le Roi refufe de faire pu- blier le Concile de Trente. Infiances de l' Empereur pour oh- Charle tenir la Communion fous les deux efpeces 7 i? le mariage /
des Prêtres.
Fin des Sommaires de ce quatrième volume
HISTOIRE
■— —M ÉMWÉfcMÉMW
HIST
D E
J A C QJJ E AUGUSTE
T H O U-
LIVRE VINGT-SEPTIEME.
ES troubles s'élevoient de tous côtés en France 3 les affemblées particulières , qui n'a- Chaelle voient point difcontinué fous le règne de I X. François II. devenoient fi fréquentes &c fi x <-60# publiques , que le peuple en murmuroit. Pour remédier à ces maux , on réfolut de tenir au des Ecc"'sL!^c plutôt les Etats. Le lieu dcftiné à cette AlFemblée étant Orléans, préparé , tous les Ordres furent convoqués , & on en fit l'ouverture le 1 3. de Décembre. Le jeune roi Charle IX. s'y trouva , avec Catherine de Medicis fa mère 3 le duc d'Orléans , & Marguerite de France fa fceur 3 Antoine de Bourbon , roi de Navarre 3 Renée de Ferrare 3 les Cardinaux de Bourbon , de Tournon, de Lorraine, de Chatillon , 6c Tome IV. A
$6o.
Difcours du Chancelier de l'Hôpital.
i HISTOIRE
=-^^!=^= de Guife j Charle de Bourbon de la Roche - fur -Yon 5
Charle François de Lorraine duc de Guife -y le Connétable Anne
I X. de Monmorency > Michel de l'Hôpital Chancelier ; Jac-
que d'Albonde S.André , Charle de Brifîac, Maréchaux
de France 5 6c l'Amiral Gafpard de Coligny j la plupart des
Chevaliers de l'Ordre , 6c des Confèillers d'Etat.
Le Chancelier la commença par un difcours préparé» Dieu , dit-il , a infpiré au Roi , 6c à Catherine fa mère , le même defFein que François I L avoit eu , d'aflembler les j Etats du Royaume. Par une grâce particulière du Sei- 3 gneur , de contre toute eipérance , les mouvemens caufés 3 dans l'Etat par la mort du Roi , bien loin d'augmenter y 3 fe trouvent prefqu'appaifés. Comme dans l'hyver , le So- 3 leil levant diiîipe les brouillards épais, 6c rend la lumière 3 au monde 5 de même à l'avènement du nouveau Roi à la 3 Couronne, un éclat extraordinaire a chaiTé du cœur des 3 Princes 6c des Grands , les nuages des averfïons 6c des haï- 3 nés , & a rendu au Royaume , le calme èc la tranquillité. 3 Nous en avons la principale obligation au roi de Navarre y
> qui , comme il convenoit au premier Prince du fang , a
> donné à tous , l'exemple de lacrifier au bien public , fes in-
> terêts & &s reflèntimehs particuliers. La paix étant faite
> au dehors , 6c la concorde rétablie au dedans , il n'y a plus » rien à craindre j rien qu'on ne doive efpérer.
33 En attendant la majorité du Roy, on a jugé à propos » d'aifembler tous les Ordres du Royaume , afin que par 1 leurs confeils , & par l'autorité dont ils font revêtus , on 1 pourvoye aux moyens de bien administrer les affaires de l'Etat. Ces aflemblées ont été fagement établies 5 afin que le Roi , ayant la bonté de conférer avec {es fujets , Sa Ma- jefté 6c eux , puiiTent agir de concert pour le bien commun- que le Souverain entende par lui-même les plaintes , 6c con- noilTe la vraie Situation des affaires de fes peuples : con- noifîance , qu'il ne peut guères avoir , lorfqu'il n'entend » que le rapport , fouvent peu fidèle , de ceux qui l'ap- prochent.
33 II ne faut point écouter ceux qui prétendent qu'il n'eit pas de la dignité d'un Roi de convoquer les Etats : car qu'ya-t-il de plus digne d'un Roî, que de rendre jufliceà
DE J. A. DE THOU, Liv. XXVII. 3
fes peuples ? Et quand le peut-il faire plus facilement , que ce —*** loriqu'ii donne à tous la permiffion d'expofer leurs fujets « Charle de plaintes avec une entière liberté , publiquement , &c « IX. dans un lieu ou l'impotture & l'artifice ne peuvent fe « 1560. glilîèr ? ce
Dans ces aflemblées , les Souverains font inftruits de ce leurs devoirs • on les engage à diminuer les anciennes Ifn- « pofîtions , & à n'en pas faire de nouvelles j à retrancher ce les dépenfes fuperrluës , qui ruinent l'Etat -y à ne plus ven- « dre les Charges , les Emplois , & les Offices -y à n'élever à ce l'Epifcopat , èc aux autres Dignités de l'Eglife , que des ce fujets capables de les remplir : devoirs , qui par un abus ce déplorable , font aujourd'hui négligés ; parce que les Rois ce ne voient &; n'entendent que par les yeux , & les oreilles ce d'autrui 3 parce qu'ils ne vivent , ne gouvernent , & ne dé- ce cident fur les affaires les plus importantes , que fuivant le ce fentiment ou le caprice de leurs Miniftres $ parce qu'en- ce tourés des pièges qu'on leur tend de toutes parts , les Prin- ce ces deftinés à conduire les autres, font eux-mêmes con- ce, duits èc gouvernés par ceux qui les environnent, ce
Il ne faut pas s'imaginer que les Rois fe rendent mépri- ce fables par la trop grande familiarité , qu'ils femblent con- ce trader avec leurs Sujets dans ces fortes d'aifemblées. Car ce les peuples charmés de cette efpéce de familiarité , bien ce loin de méprifer un Roi élevé au faîte de la Grandeur , ce lorfque du Trône où il eft aflîs , il prononce des Arrêts ce diclés par la Juftice , ne peuvent lui refufer leur amour, ce Il n'y a qu'à lire nos Annales , pour être perfuadé que ce l'ailemblée des Etats a toujours été une fource de biens ce immenfes pour le Royaume , 6c très - avantageufe à nos ce Rois. Sans remonter plus haut , il fuffit de jetter les yeux ce fur la dernière de ces Affemblées tenue fous le régne de ce Charle VIII. dans laquelle on rétablit la forme dugou-ce vernement , 6c on prévint les troubles dont la France étoit ce menacée, ce
François 1 1. ayant afTemblé à Fontainebleau les per- ce fonnes les plus confid érables du Royaume , tous conclu- ce rent unanimement , que pour appaifer les troubles excités ce au fjjet de la Religion , il falloit promptement convoquer ce
A ij
HISTOIRE
les Etats 3 6c l'on ordonna que cependant , les Edits pu-
Ckarle » bliés fur ce fujet , feroient exactement obfervés -, Qu'on
I X. " empêcheroit les allemblées défendues , & que les factieux
i \6o " ^er°ient trcs Sévèrement punis 3 Que les Prélats auroient
53 un grand foin de leurs troupeaux 3 qu'ils romproient le
» pain de la divine parole , aux âmes qui mouroient de faim,
>3 & qu'ils les afFermiroient dans le bien par leurs inftru&ions
•>•> & leurs bons exemples 3 Que les Gouverneurs dans les pro-
v vinces , veilleroient pour prévenir ce qui pourroit troubler
>3 la tranquillité publique.
» Les Etats , ajouta le Chancelier , font aujourd'hui aiîèm- 35 blés pour remédier aux mêmes maux. Semblables à un 33 médecin , qui ne fe contente pas d'appaifer la douleur , 33 mais qui travaille à ôter le principe du mal 3 ceux qui com- -■■> pofent l'Aiïemblée , doivent chercher la vraie caufe de 33 nos maux. Ce n'eft pas affez de châtier les féditieux , il 33 faut prévenir les féditions. Les loix qui préviennent les » crimes , de empêchent qu'on ne les commette , font plus 33 utiles , que celles qui les punifTent lorfqu'iis font commis.
33 Les féditions viennent preïque toutes de l'indignation , 33 que conçoivent les hommes , lorfqu'iis croient qu'on les 33 méprife 3 du reiTentiment ou de la crainte de quelqu'inju- 33 ftice 3 de 1 indigence 3 quelquefois même de l'oifiveté. Ces 33 caufes ne fubfîftent plus aujourd'hui.
33 Chacun ayant été rétabli dans {on rang & dans fes di- 33 gnités , les Grands & les petits n'ont plus aucun fujet de 33 iè plaindre 3 le Roi &; les Magiftrats étant remis dans le 33 libre exercice de leur autorité , il n'y a plus lieu de crain- 33 dre les injuitices , les injures , de les vexations. La paix 33 faite au dedans , comme au dehors 3 de le Roi mettant de 33 jufbes bornes àfes libéralités 3 S. M. fera en état deréta- 33 blir fes Finances épuifées par les guerres , & d'acquitter les 33 dettes publiques 3 les créanciers de l'Etat qui font en grand 33 nombre , feront payés 3 l'argent qui circulera , bannira 33 l'indigence 3 6c le peuple fera foulage. On ne doit pas ap- 33 préhender le defordre 6c la licence , qui font les fuites de 33 l'oifiveté 3 puifqu'il y a à peine un an , que nous commet 33 çons à refpirer après les travaux 6c les fatigues d'une guerre 33 de dix ans.
DE J. A. DE THOU, Liv. XXVIÏ. 5
Ainfi le remède le plus convenable à nos maux , eft que « chacun rentre dans les bornes de la condition 3 Que les « Grands ne cherchant plus , par une ambition déméiurée, ce à fe rendre chefs de parti , cellent de fe jetter , eux, 6c ceux ce qui leur font attachés , dans des affaires épineufes , dont « il n'eft pas aifé de 1 ortïr. ce
Que les Eccléfiaitiques ufent avec pieté 6c avec modéra- « tion, de la puiilance fupréme qu'ils ont fur les âmes 3 qu'ils « ne fallent point fervir au faite 6c à la magnificence , les biens a immenfes , qu'ils tiennent de la libéralité des rois &; des ce peuples 3 mais qu'ils les emploient à loulager les pauvres 3 ce Qu'ils donnent gratuitement,ce qu'ils ont reçu gratuitement.
Que la Noblefîè j ouille paiiiblement , 6c fans faire au- ce cune injuftice , des immunités , privilèges , 6c honneurs ce attachés à leur état 3 qu'ils faflént un bon ufage de la bon- ce té qu'ont nos Rois , de vivre avec eux dans une efpéce de ce familiarité 3 qu'ils n'abufènt point de la fupériorité qu'ils ce ont fur les autres fujets 3 qu'ils ne s'enflent point du vain ce éclat de leur naiilànce 3 qu'ils ne s'élèvent point au-deilus ce des autres , contre la difpofition des loix 3 mais qu'ils fe ce fouviennent , que comme on a vu quelquefois de grands ce rois , iifus des plus vils efclaves , quelquefois auffi on a ce vii des fils de rois , devenir efclaves 3 que les armes leur ce ont été attribuées , non pas pour les faire fervir à leurs ce parlions 3 mais pour les employer , fuivant la loi de Dieu , ce au fervice du Roi 6c de la patrie, ce
Enfin , que le Tiers Etat , ou le Peuple , qui eft inférieur ce aux EccléiîafHques , & à la NoblefTe , foie élevé dans toute « la pureté de la Religion 3 qu'il foit traité favorablement ce par la Noblefle , à laquelle il eft prefque fournis 3 qu'à la ce campagne il mène , en cultivant la terre , une vie inno- ce cente 3 que dans les villes & les bourgs , il trouve fa fub- ce iiftance dans l'exercice des arts & des différentes efpéces ce de commerce , qui produifent l'abondance 6c les richefTes. ce
Aux fources funeftes des troubles 6c des fadions , dont ce nous avons parlé , on ajoute la différence de Religion , ce comme fi la Religion excitoit , ou devoit exciter la guerre ce civile , le plus grand mal qui puifTe arriver à un Etat 3 mal ce univerfel , qui renferme en foi tous les autres maux. Notre ««•
A iij
6 HISTOIRE
i i » Dieu cil un Dieu de paix , & non de divifîon. Les autres
Charle » Religions , comme faillies, ont été fondées par la vio-
I X. » lence , ou par l'artifice. La Religion Chrétienne , corn-
! r 60# » nie la feule vraie Religion , a été établie par la patience ,
53 par la juftice , par les larmes , par les prières. Les pre-
>î miers Chrétiens aimoient mieux être tués que de tuer,
5> 6c le titre de Martyrs ou Témoins , n'eft venu , que de ce
33 qu'ils fcelloient de leur fang , le témoignage qu'ils ren-
33 doient à la Foy.
33 Néanmoins il faut avouer que la Religion , même la 33 faillie , fait de puifïantes imprelîïons fur les efprits ; qu'elle 33 l'emporte fur toute forte d'affections , de devoirs , 6c d'ami- »3 tiés 5 & qu'elle unit les hommes entr'eux , beaucoup plus 33 fortement , que tous les autres liens de la focieté humaine. 33 II eft confiant que c'eft la religion 6c non les limites des 33 royaumes , qui réunit ou diviie les fujets entre-eux , ou 33 avec leurs voifîns. De là il arrive tous les jours , que ceux 33 qui font conduits par une opinion de Religion, font peu 33 de cas de leur Prince , de leur patrie , de leurs femmes , de 33 leurs enfans , 6c de toutes les liaifons de cette efpéce. De 33 là nailîent les rebellions , les diffenfions 6c les révoltes : dans 33 une même maifon , le père eft en guerre avec fa femme & 33 tes enfans, & leTrere avec fon frère, s'ils ne s'accordent pas 33 enfemble touchant la Religion.
33 L'Alîemblée de Fontainebleau a jugé que pour prévenir 33 ces difTeniions, qui entraînent avec elles la guerre civile , 33 ii falloit un Concile. Le Pape nous le fait efpérer • mais en 33 attendant , il ne faut pas permettre que chacun fe fafle ?3 une Religion à fa fantaiiîe , & introduite de nouvelles cé- 33 rémonies. Car par là, non feulement on trouble la tran- 33 quillité publique , mais on expofe les âmes au danger de te 33 perdre pour l'éternité. Que il on ne trouve pas de la part 33 du Souverain Pontife 6c du Concile , le remède qu'on a lieu 33 d'en efpérer , pour pourvoir aux nçceffités préfentes du » Royaume , Sa Majefté fe fervira des moyens employés 33 par les Rois tes prédecefFeurs. On fe flate que les Pre- ss lats rempliront avec plus de foin leurs devoirs • afin que 33 l'on tire le remède, de l'endroit même où le mal a pris 3 3 naillàncc.
DE J. A. DE THOU, Liv. XXVII.
Nous avons fait jufqu'à préfent comme les Généraux mal-habiles , qui pour mener tous leurs foldats au com- bat , dégarniffent les places , 6c les laiffent fans défenfe. Nous devons au contraire nous munir d'abord de vertus , de bonnes œuvres , du pain de la parole de Dieu , 6c de la prière. Ce font les armes les plus propres au genre de combats , que nous avons à livrer. Nous devons enfuice fortir 6c marcher à l'ennemi j bien affurés qu'il n'y a rien de plus efficace pour perfuader , que les difeours d'un hom- me qui vit faintement, 6c que d'ailleurs les armes maté- rielles n'ont de force 6c de vertu fur les âmes , que pour les perdre , en perdant leurs corps. Nos ancêtres fe font fervis des armes que je viens de vous prefenter 5 pour combattre 6c pour vaincre les fedaires de leur tems. Sui- vons leurs traces , afin qu'il ne paroifîe pas , ce qui eft bien éloigné de la charité Chrétienne , que nous haïfloiu les hommes , plutôt que les vices 6c les erreurs. Il faut donc incefîamment prier pour eux , afin qu'ils reviennent de la voye de l'erreur au chemin de la vérité , 6c l'on doit ce- pendant retrancher ces noms odieux , que l'ennemi du genre humain a forgés , de Luthériens , Huguenots , Pa- pilles , noms, qui lententles anciennes fadions des Guel- phes 6c des Gibbelins -y il ne faut retenir que le beau nom de Chrétiens, ce
Cependant , comme il y en a beaucoup qui fe font un prétexte de la Religion , 6c qu'en effet ils font poulies par l'ambition , l'avarice , 6c l'amour des nouveautés j il fem- ble qu'il feroit bon d'accabler de toutes façons ces pertes publiques , 6c de ne leur pas donner le tems de réunir leurs forces. C'eft contre eux qu'il eft befoin d'employer les armes • 6c quand on ne peut rien gagner fur les efprits par la clémence , il faut ufer de la rigueur des loix 6c des armes , 6c avoir recours à la force. Pour cela il eft né- cefïaire , ou que le Roi tienne fur pied une puifîante ar- mée 5 toujours fort à charge au peuple -y ou que dans les villes où ces mauvais citoyens fe font répandus , les habi- tans fidèles , armés par le Roi , veillent eux-mêmes pour prévenir les troubles , pour faifîr les féditieux , 6c les « faire punir fuivant la fé vérité des loix. «
Chaule IX.
1 5 60.
g HISTOIRE
53 C'effc ici une affaire générale ^ c'effc la caufè commune 5 53 &: le péril qui menace l'Etat , menace tous les fujets qui le 55 compofent. Comme ceux qui demeurent le long de la mer, 5î ou des frontières , ne manquent pas d'accourir &: de s'aC 35 fembler au premier fîgnal , pour repouiïer l'ennemi , nous 55 devons auiîi nous réunir tous pour repoiuTer un danger 33 commun.
33 Après avoir pourvu à la tranquillité publique , il faut >3 tourner nos foins fur les finances j le Roi les a trou- 33 vées tellement épuifées par dix années confécutives de 33 guerre , & par d'autres dépenfes , qu'un père &un fré- 33 re femblent ne lui avoir laiile pour tout héritage, que 33 des matières de larmes. S. M. eft difpofée , pour réparer 33 ces pertes ,' de faire dans fa dépenfe les retranchemens ?5 que vous réglerez , &; qui ne feront pas incompatibles 3> aVec l'éclat Se la fplendeur qui conviennent au Trône.
33 Ce font les motifs qui ont porté le Roi & la Reine là 33 mère , à convoquer , =& confulter les Etats du Royaume j 33 à exhorter par la bouche du Chancelier , ceux qui for- 33 ment cette auguffce AfTemblée , de fe dépouiller de toute 33 vue de de toute affection particulière , pour expofer avec 35 une entière liberté ce qu'ils croiront avantageux à l'Etat. 93 L'intention 6c la volonté de leurs Majeffcés eft , que tous >3 fans exception , jouifTent de cette permifîîon 5 & que ce 33 qui fera réglé de l'avis de tous les Ordres , devienne une 33 Loi inviolable de l'Etat. « Ç'eft tout ce qui fe fit le pre* mierjourde i'Aflemblée,
Le lendemain 14. de Décembre , les trois Etats fe ra£. femblerent • l'Etat Eccléfîaftiqne , aux Cordeliers • la No- des 3. Etats, bleffe , aux Dominiquains -9 &: le Tiers-Etat , aux Carmes. On délibéra fur leurs Commifîions. Le plus grand nombre de la NoblefTe & du Tiers-Etat repreiènterent que leurs pouvoirs étant expirés à la mort du Roi , il falloit les re- nouvelles Le roi de Navarre ayant rapporté cette difficul- té au Confeil , il fut arrêté fix jours après s que les Députés continueroient d'agir en vertu de leurs Commilîions j &pn donna pour raifon : » Que par la loi du Royaume , le vif fai- 33 fit le mort 5 que l'autorité royale ne meurt point miais qu'elle î5 pafïè fans interruption , du Roi défunt a fon légitime fuc- 9» ceifeur. ^ Avant
Affcmblées particulières
DE J. A. DE THOU, Liv. XXVII. 9
Avant la mort de François 1 1. le Cardinal de Lorraine avoic Souhaité d'être nommé Orateur des trois Etats. Cette Charle prétention étoit contraire à l'ufage. Néanmoins comme il I X. avoit alors un très-grand crédit , & que le Clergé, dont il j ^Q> difpofoit à Ton gré , y confentoit , on ne refufa pas abiolu- ment , mais on différa de lui accorder ce qu'il defiroit. François étant mort , le Tiers Etat rejetta formellement la propofition du Cardinal 5 le plus grand nombre difant qu'elle etoit contraire aux anciens Réglemens 7 &c que d'ailleurs , ils étoient chargés par leurs commifïïons de préfenter plufieurs plaintes contre fon Eminence.
Dans la féconde Séance , tous prire nt leurs rangs corn- seconde me à la première. Les Députés qui dévoient parler au nom séance des des trois Etats , eurent des places féparées. Jean l'Ange , Avocat au Parlement de Bordeaux , parla le premier pour Difcoms de le Tiers Etat. Son difeours fut une cenfure continuelle des Jean l'Ange mœurs &; de la conduite déréglée des Eccléfiaftiques , pE°c^lcTlcls auxquels il reprocha » trois vices , qui fembloient avoir ce fait le plus de progrès 3 l'ignorance , l'avarice , ôcle luxe 3 « vices , qui avoient donné lieu aux erreurs qui fe répan- « doient , ôc qui caufoient un très-grand fcandale. «
L'ignorance , dit-il , produit 6c entretient les erreurs. « Nos pères avoient pris de fages mefures pour prévenir et un fî grand mal. Les anciens Canons avoient établi des ce Ecolâtres. Depuis peu l'Eglife de France a ordonné que ce la troifiéme partie des Bénéfices feroit conférée aux Gra- « dues , gens de Lettres , &; qui ont fait preuve de feience j ce Qu'on ne pourroit élever aux Dignités Eccléfiaftiques, que ce ceux qui auroient obtenu des Degrés dans les Univerfités 3 ce & que dans chaque Eglife Cathédrale il y auroit un Théo- ce logal. Malgré ces réglemens , l'ignorance a jette de fi pro- <e fondes racines , que la prédication , fonction eiEentielle- ce ment attachée a l'Epifcopat , eft entièrement négligée, ce Les Evêques croiroient fe deshonorer , s'ils s'acquittoient ce de ce devoir. A l'exemple des Evêques , les Curés fe dé- ce chargent de cette importante fonction fur des Vicaires ce incapables de la remplir avec dignité, ce
L'amour fordide du gain eft dans les Eccléfiaftiques « un vice auffi commun , qu'il eft pernicieux 3 & l'avarice la ce
Tome IV, B
ïo HISTORE
» plus honteufe eft prefque toujours accompagnée du vice
Charle » qui lui eft oppofé y c'eft-à-dire, le luxe , paflion favorite des
I X. 55 Prélats. A l'innocence & à la fainteté des anciens Evêques ,
i <6o. " ^s iubftituent le luxe &le fafte , qu'ils regardent comme
sa les moyens d'honorer Dieu , & de repréfenter fa divine
53 Majefte fur la terre.
sa Qu'ils ont dégénéré de la pureté & de la {Implicite des 53 anciens ! Les Pérès du Concile de Carthage fous Inno- 53 cent I. ont ordonné que les Evêques auroient proche le 53 Temple , une petite maifon pauvrement meublée. Ceux 53 de nos jours au contraire , femblent vouloir difputer avec 53 les Rois en pompe ôc en magnificence : on ne doit donc 33 pas être furpris , il l'indignation que plufieurs en ont con- 33 cûë , les éloigne d'une Religion , dont les Miniftres mé- 55 nent une vie Ti déréglée. Le Tiers Etat demande , & fup- 55 plie très - humblement , qu'afin de remédier à ces maux , « le Roi employé fon autorité pour faire inceffamment ce- Difccrs de " lébrer un Concile. «
jacquede L Ange ayant fini ion dilcours , Jacque de billy Comte
siiiy comte je R0chefort , parla au nom de la Noblelle avec beaucoup fort , au nom de dignité & de force. Il s'étendit d'abord fur la puilîance de u No- ^ les devoirs des Rois. Il loiia la réfolution que le Roi avoit prife , de donner à fa mère le gouvernement du Royaume , comme en avoient ufé dans les îiécles pafTés , Alexandre Sévère envers Mammée ; & Charle VIII. envers Anne de France fa fœur. Il remercia S. M. de ce qu'elle avoit fait rentrer dans fon Confeil , le Roi de Navarre , les autres Princes dufang,& les Grands du Royaume. Il parla de la NobleiTe , comme du. plus ferme appui de l'Etat. Il fe plai- gnit de ce qu'on avoit fait perdre à cet illuftre Corps une partie de fon ancienne fplendeur, en y admettant des gens qui n'avoient ni nahTance , ni illuftration ; les uns , pour s'être rendus habiles dans les affaires • les autres , pour s'être diftingués dans les dangers de la guerre 5 quelques-uns mê- me , qui n'avoient d'autre mérite que d'avoir fait quelque découverte dans les Arts. 55 Ce mélange, dit-il, qui ternit 53 l'éclat de la Nobleflë , a considérablement diminué les » finances du Roi , par l'exemption des fubfides dont » joiiiflent ces nouveaux Nobles.
DE J. A. DE THOU, Liv. XXVII. ri Voici un autre abus fort préjudiciable à la Nobleflè. ce
Nos ancêtres , à l'imitation de nos Rois, ont épuifé leur « Charle patrimoine en donations immenfes , qu'ils ont faites aux « I X. Eglifes : ils leur ont même abandonné une partie de leur « x ^0 jurifdict-ion -y de forte que les Beneficiers fe trouvent au- et jourd'hui en état de vexer par les procez & la chicane , « ceux même à qui ils font redevables de leurs Bénéfices, ce Fut -il jamais rien de plus dur , &; de plus injufte ? ce Qu'y_a-t-il de plus abfurde , que des Prêtres jugent de ce décident de la vie , &c des biens des fujets du Roi ; eux , ce qui font par état la lumière du monde & le fel de la terre • » dont toute l'occupation doit être , d'offrir au Seigneur des « prières & des vœux , de prêcher la parole de Dieu , & de ce s'acquitter modeftement de leurs autres fondions facrées ? ce
Le Roi doit donc avant toutes choies , travailler à la ce réformation de l'Ordre EccléiiafKque j fuivant en cela ce l'exemple du Roi Ezechias , dont les premiers ibins a fon ce avènement à la Couronne , furent de rétablir le bon or- ce dre ôc la plus exade difeipline parmi les Miniitres duce Temple ; &: d'afîîgner des peniîons à ceux qui s'applique- « roient à la ledure &: à l'étude de l'Ecriture feinte, ce
Charle V 1 1. & Louis IX. avant lui , ont fait la même ce choie en France par leurs Pragmatiques - Sanctions. Phi- ce lippe Auguhre & Louis VII. ont acquis autant de gloire et par les peines qu'ils ië font données pour reformer le Cler- ce gé , qu'ils en ont mérité j le premier , pour avoir chaile ce les Juifs du Royaume , &: défait les Albigeois • le fécond, ex pour avoir défendu les Papes Gelafe ôc Pafcal , contre les ce entreprifes de l'Empereur Henri. Charlemagne , Louis ce fon fils , & Guillaume Duc de Normandie , font moins et loués pour avoir bâti des Temples fuperbes , &; enrichi ce les Eglifes , que pour avoir rétabli dans l'Ordre Eccléila- ce ftique la difeipline , les mœurs , la concorde, et
La même réforme fe feroit aujourd'hui , fi les Eve- ce ques réiidoient & veilloient dans leurs Diocèfes j s'ils fai- ce foient par eux-mêmes toutes les fondions de leur minif- ce tère , en prêchant la parole de Dieu , en faifant une iàinte ce &t fage diipenfation des biens de l'Eglife , en répandant ce abondamment dans le fein des pauvres , les biens immen- ce
B ij
i2 HISTOIRE
" les qu'ils poffédent , en Vefforçant de briller aux yeux des et
Charle » peuples , par l'éclat d'une vie exemplaire.
I X. » Le Roi de fon côté doit s'attacher à n'élever aux du
1560. » gnités de PEglife , que des hommes fivans , recommanda- 33 blés par leur pieté , leur prudence , & l'intégrité de leurs )3 mœurs. C'eft ici un devoir indifpenfable delà Royauté, 33 Si S. M. dans une affaire de cette conféquence , tomboit 33 dans une négligence aufli injurieufe à Dieu , qu'elle efl 33 pernicieuiè à l'Etat , ne lui en faudroit - il pas un jour 33 rendre un compte exad &; rigoureux ? Le Roi n'auroit-il 33 pas lieu de craindre que le Juge Souverain , qui a autre- 33 fois condamné Thierri 6c Théodebert , pour avoir donné 33 les Bénéfices par faveur &: par intérêt , ne le punît de mê- 33 me , ôc ne le fît périr aufli miférablement , que mérite un 33 Prince qui abandonne lâchement les intérêts de la juiKce 33 &: de l'équité ?
33 Un Roi doit être plus occupé du bien de (bs Sujets , que 33 de {qs propres avantages 3 il doit rendre à tous une exacfe 33 juit.ice , pour gagner le coeur , &; mériter l'affection de >3 tous. Les biens & les maux du Prince fe répandent fur 33 fes peuples. La défection de Saûl attira fur les Ifraë- 33 lites une famine de trois ans 3 une pefte fut le châtiment 33 des péchés de David 3 tk. en punition des crimes d'Achab , 35 le peuple de Dieu fut accablé de pertes & de maux fans 33 nombre.
33 La juftice feule distingue les Rois des Tyrans 3 car les 33 uns Se les autres ont la même puiffance. Il arrive ordinai- 33 rement par un jufte jugement de Dieu , que ceux qui abu- 33 fent de leur autorité , pour faire le mal , pour vexer , pour 33 piller , pour tourmenter leurs Sujets ? font juftement pu- 33 nis par ceux-mêmes qu'ils ont fi mal traités. Ainfi furent 33 détrônés &c chaffés , Denis par les Syracufains 3 Phalaris , 33 parles peuples d'Agrigente j ( a ) Démétrius, par les Macé- 33 doniens 3 & les trente Tyrans d'Athènes , par Thrafibule.
33 Une autre obligation du Roi , eft d'établir pour juger 33 fes peuples , des hommes d'honneur &; de probité , qui 33 craignent Dieu , qui abhorrent tout gain honteux , & qui
( <* ) L'ancienne Agrigente eft aujourd'hui Gergenti , ville de la vallée de Mazara en Sicile.
DE J. A. DE THOU, Liv. XXVII. 13
détellent fouverainement l'avarice. S. M. doit regarder et ?
comme deux devoirs indifpenfàbles , de ne point vendre « Charle les charges de judicature , &: de diminuer le nombre des « I X. Juges, qui s'eft exceffivement augmenté. Multiplier les ce j c£0, Magiftrats , c'eft avilir la Magistrature 3 c'eft furcharger c< & le peuple & le Prince. Cette multiplication a toujours « été de très-mauvais augure dans l'Empire Romain , dans « tous les Royaumes , dans toutes les Républiques, et
Enfin on ne peut rien faire de plus utile à l'Etat , que « de fuivre la maxime de François I. & d'admettre dans les et Tribunaux , pour rendre la juftice , une Noblefife infini- ce ment jaloufe de Ton honneur & de fa réputation 3 incapa- et ble par conséquent de fe laifïèr corrompre par les follici- et rations & les prefens. Ce feroic le moyen d'abréger la pro- et cédure , de bannir la chicane 3 Se de terminer prompte- et ment les procès , félon les loix du païs , de par le jugement « des gens de bien, et
On peut aufîi réformer la cupidité des Courtifans , en ce faifant défenie de demander les biens des criminels , avant ce qu'ils foient condamnés 3 en ordonnant que ce qui revien- ce dra des confifeations après le jugement , fera employé en ce oeuvres de pieté. «
La Religion ainfî réglée 3 la Difcipline rétablie 3 la No- » bielle , qui eft obligée de veiller à la défenfe de nos fron- ce tiéres , remife dans fa première fplendeur 3 les Magiftrats ce revêtus de toute l'autorité nécefiaire , pour foutenir la ma- ce jefté du Souverain , 6c pour rendre juftice à fes fujets 3 le ce Peuple foulage 3 ce Royaume , autrefois très-flonifant, ce fera dans la fuite comblé de biens & de vertus. La No- et bleflè fupplie donc très-humblement S. M. de hâter ce grand c< ouvrage 3 6c elle fouhaite ardemment que nos a&ions dé- e« mentent ce qu'on difoit ordinairement : Que l'on tient en « France de fréquentes Ailemblées 3 qu'on y délibère fur les « affaires les plus importantes 3 mais qu'on n'y prend aucune « réfolution. ce Le comte de Rochefort préfenta en finiiTant , une requête au Roi , & on en fit la le&ure. Il demandoitpar cette requête au nom de la NoblefTe , qu'on lui accordât des Temples pour l'exercice de la Religion.
Jean Quintin harangua à fon tour au nom de l'Etat Ec- et
B iij
i4 HISTOIRE
■" " """"'' » cléfiaftique. Son diScours , qu'il lut prefque tout entier ,
Charle 35 fut long 6c ennuyeux. Après avoir loué en face le Roi, la
IX. 53 Reine , £c les Princes , il dit : On a établi en France l'af-
1560. "Semblée des Etats , principalement pour trois raifons :
•>-> pour régler la Discipline Eccléfîaftique ; pour porter au
Difcours Je r.,,&^/, ,r , . 0 1 ' r r 1
Jean Qiiin- " Pied au Trône les plaintes & Iqs remontrances des tin , au nom 55 peuples j pour donner lieu au Roi de consulter lès fujets déSquï. " Semblés , 6c de traiter avec eux des belbins du Royaume. 55 II n'efi- pas queftion ici de réformer l'EgliSe $ elle ne 53 peut tomber dans l'erreur 3 elle n'a ni taches ni rides j 33 elle conlèrve éternellement fa beauté. Tout ce que nous 33 avons à faire , efr. de reparer les brèches faites à la DiSci- 33 pline extérieure -y car j'avoue qu'elle eftpreSqu'entiérement 33 tombée , depuis qu'on s'en: écarté de la (implicite de nos 53 anciens. Il ne faut pas prêter l'oreille aux difcours de ceux 33 qui Semblent avoir ouvert hs tombeaux des anciens fec 33 taires , pour en tirer des erreurs déjà plufîeurs Sois con- 53 damnées : Se s'il s'en trouve qui préSentent en leur nom 53 des requêtes , pour obtenir d'autres Temples , que ceux ss des Catholiques , on doit les regarder 6c les punir com- 33 me des Sauteurs de ïè&es & d'héréfies 5 même comme des >a Sectaires 6c des hérétiques.
3> Il eit évident que ce qu'ils demandent effc injufte , Se jue les SS. PP. l'ont conftamment refufé j S. Athana- (e , à l'Empereur Confiance ^ S. AmbroiSe , à Valentinien. 33 1 1. l'Empereur le plus entreprenant , & qui prétendoit 33 être l'arbitre Souverain dans le Sacré comme dans le pro- 33 fane 3 enfin S. Jean ChriSoftome , à Gamas , fous l'Empe- 55 reur Arcade. Nous Supplions donc le Roi de rejetter avec in- sa dignation , ces Sortes de requêtes également impies 6c con- 33 traires au reipect dû à S. M. de marcher Sur les pas de {qs 33 prédécefîeurs, 6c en particulier de Charlemagne, dont on 33 lit avec reSped les Ordonnances qui concernent l'EgliSe -y 33 & dexontraindre tous Ses Sujets à penSer ôc à vivre Selon la 33 forme preScrîte dans l'Egliiè. Il n'en: pas permis de SouS- 33 Srir pluslong-tems l'infolence 6c l'audace des Sectaires , qui 35 foulent aux pieds l'autorité des anciens , rejettent la doc- 55 trine de l'Eglife , 6c Se vantent néanmoins d'être les Seuls 33 qui entendent , embraffent , 6c Suivent l'Evangile. Si on
»3 qi
30 le
■■■■■■■■■^nnii
Ï)E J. A. DE THOU, Liv. XXVÏL 15
ne prévient de bonne heure les fuites fimeft.es de ce dé- « règlement d'efprit , qu'on pourroit appeller révolte 3 il u Chaule eft à craindre que la même témérité qui les porte àatta- « I X. quer la maiïbn de Dieu , ne les poufTe à fécouer le joug de « 1560. robéïfTance due aux Magiftrats, & à fe foulever contre le ce Prince, ce
Ainfi nous demandons qu'on interdite aux teclaires tout ce . commerce avec les Catholiques 3 qu'on les traite comme ce des ennemis , & qu'on ferme l'entrée du Royaume à ceux ce qui en font fortis à cante de la Religion. Il eft du devoir « du Prince de fe fervir de l'épée qu'il a reçue' , &c de punir « du dernier fupplice ceux qui te font laiiîé infecter du poi- et fon mortel de l'héréfie. Il eft également obligé de con- ce ferver le Clergé dans toute fa fplendeur , & de rendre aux ce Chapitres <3c aux Communautés , le droit d'élire leurs Pré- ce lats , qu'on n'a pu leur enlever , fans caufer un grand pré- ce judice à la république chrétienne, ce
En effet les plus grands hommes ont obfervé que quand ce le droit facré des élections a été du contentement du Pa- ce pe , transféré à la perfonne du Roi , auiîitôt &c prefque la ce même année , le poifon de l'héréfie a paru , & s'eft infenfi- ce blement gliiîé dans tous les Royaumes. C'eft ce qui eft arri- ce vé l'an 1 5 1 7. que parut Luther , fuivi par Zuingle , (Eco- ce lampade , & Calvin. Il ne tient qu'au Roi d'arracher ce et mal de la maifon de Dieu , &; de fupprimer les Décimes « qu'il levé fur le Clergé , dont les biens facrés , deftinés à ce de bonnes œuvres , ne peuvent fans facrilége , être em- et ployés à d'autres ufages. ce L Orateur conclut en deman- dant pour les Eccléiiaftiques une exemption générale de tous fubfides.
Son difeours rempli de louanges fades , &: de flateries ou- trées , fit rougir , & ennuya les affiftans. Ceux qui favori- foient les Proteftans , furent indignés de tes invectives , &; de ce qu'il avoit demandé au Roi de recommencer les per- fécutions & les fupplices qu'on avoit fufpendus. Ils en fu- rent d'autant plus choqués , qu'ils fe fouvenoient que Quin- tin lui-même avoit été chaffé de Poitiers , comme iuiped d'attachement à leur doctrine. Les libelles fatyriques Se les railleries piquantes qu'on répandoit contre lui , le pénétre-
i£ HISTOIRE
— rent d'une fi vive douleur , qu'il tomba malade , & mourut
Charle quelque tems après. Au refte il n'étoit point méchant 3 il IX. étoit verfé dans le Droit ; mais il n'avoit ni l'expérience, j j6o. ni l'habileté requifepour les affaires , il avoit même autre- fois bien penfé fur la néceffité de réformer le Clergé.
Lorfque Quintin avança dans fon difeours , qu'il falloit punir comme fauteurs de fedes , &: comme fedaires , ceux qui avoient prefenté au Roi des requêres en faveur des Pro- teftans , toute l'afîemblée jugea qu'il avoit clairement dé- figné l'amiral de Colîgny , &; chacun jetta les yeux fur lui. L'Amiral s'en plaignit au Roi , comme d'une injure qui lui étoit faite , dont il demandoit une fatisfadion publique. Il étoit aife d'exeufer l'Orateur , parce que comme il s'en étoit lui-même expliqué en particulier , il n'avoit pas parlé de fon chef, mais conformément aux mémoires qu'on lui avoit fournis. Cependant comme Coligny demandoit abfolument une réparation publique , on convint que Quintin , dans la harangue qu'il feroit à la clôture des Etats , effaceroit le foupçon qu'il avoit fait naître.
Plaintes con- On trouva , & on faiflt l'occafîon de chagriner les Guifes.
frciesGuifes. Les deux frères de Guife &: d'Aumale , .étoient Gouverneurs de Bourgogne ,& du Dauphiné 3 les Députés de ces Pro- vinces avoient demandé qu'on donnât aux princes de Lor- raine , les mêmes titres qu'on donne aux Princes .du fang de France • & qu'on enjoignît à Silly orateur de la Noblelfe , d'en ufer ainfi : la Noblelfe le refufà. Les Guifes irrités , .trai- tèrent de féditieux ceux qui s'oppofoient à leurs préten- tion. La Noblefle s'en plaignit à la Reine mère , Jean Ra- guier d'Eflernay , Vidame de Châlons , portant la parole $ mais elle n'en reçut point d'autre réponfe , finon que les princes de Guife n'avoient parlé de la forte , que contre ceux qui avoient fait dç$ entreprifes contre la Majeure royale. Oeil: ainfi que profitant des circonstances favorables, ils le couvroient du nom augufte du Roi, Quelques Après l'ailemblée , le Roi fit lignifier aux Prélats , quils fe
Rcgkmcus. tinfîent prêts pour fe rendre au Concile , qui étoit indiqué à Trente.On manda aux juges des Provinces de rendre la liber- té & les biens à ceux qui en avoient été privés pour caufe de Religion, On défendit fous peine delà vie à tous les fujets, de
s'attaquer
DE J. A. DE THOU, Liv. XXVII. 17
s'attaquer 6c maltraiter les uns les autres , fous prétexte de Re-
ligion. La même Déclaration exhortoit tout le monde à fui- charle
vre, en ce qui concernoit la Religion, les rits ôc les ufages j^
jufqu'alors reçus dans l'Eglife. Mais ces réglemens ne donne- ^'
rent qu'une apparence de paix. Il y avoit toujours dans les
cœurs des femences de jalouiie & de haine , que les émiffai- di^fonaitre
res de l'un ôc de l'autre parti avoient foin d'entretenir par les les Princes &
faux bruits qu'ils répandoient. s Royaume5 **
On rapporta au roi de Navarre, que Jacque de Savoye duc de Nemours avoit fecrétement aîîemblé des hommes de con- fiance, qu'il avoit diftribués ôc mis en embufcade dans les faux- bourgs , pour le furprendre. Ce qui fut caufe que le connéta- ble de Montmorenci , qui cherchoit toutes les occaiions de marquer fon zèle pour le roi de Navarre , ne le quittait plus , fous prétexte de lui faire fa cour j ôc quoique ce Prince ne s'éloignât jamais de la maifon . où le Roi étoit logé , le duc l'accompagnoit par-tout. Catherine avertie de ces bruits , fit informer } ôc ne put rien découvrir. Le duc de Nemours vint lui-même , accompagné du duc de Guife , pour fe jumfier en préfence du Roi de ce qu'on lui avoit imputé.
Dans le même tems , à la recommandation d'Antoine com- te de Cruffol , ôc de Louife de Clermont , qui étoit en grande faveur auprès de la Reine mère , ôc en grand crédit auprès du roi de Navarre, Philippe de Lenoncourt, évêque d'Auxerre , fe mit bien avant dans les bonnes grâces ôc dans la confiden- ce de ce Prince. Dès qu'il fut allure de fa protection , il in- tenta un procès au duc de Guife pour le comté de Nanteuil , qu'il avoit , difoit-il > acheté de Marguerite de Broyé fa mère 9 à des conditions trop defavantageufes.
Le duc de Guife de fon côté crut trouver une preuve de la mauvaife volonté du roi de Navarre, Ce Prince vint . lui-même à l'affemblée > qui fe tenoit aux Cordeliers ,( il le faifoit en vertu d'une réfolution du Confeil du Roi ) ôc il y fît demander aux Etats , par le chancelier de l'Hôpital qui étoit venu avec lui , d'examiner les comptes des dettes -> contractées par les Rois prédéceffeurs de^ S. M. ôc de cher- cher les moyens de les acquitter. Il infinua , que fi les dona- tions ôc les gratifications accordées par nos Rois fe trouvoient #voir excédé, ôc avoir contribué à l'épuifement des finances , Tom. IV. C
ï& HISTOIRE
» le Roi ôc les Seigneurs de fa Cour étoient d'avis , de contrain- Charle ^re ceux ^ ^es auroient reçues aies rendre. Il ajouta, que I X. quoiqu'il fût d'un rang à être excepté , il vouloit bien donner i 7 6 o. ^ tous l'exemple 3 ôc prévenir un règlement fi utile } en remet- tant dans les coffres du Roi ce qu'il fe trouveroit avoir reçu de trop. Le duc de Guife 3 ôc le maréchal de S. André , qui fentirent bien que ce difeours les regardoit particulièrement 3 en furent vivement piqués. Prorogation Enfin le Roi remit l'affemblée des Etats au mois de Mai des Etats. Ré- prochain. Par cette prorogation , on leva la difficulté, que iiijet. les députez de quarante Généralitez avoient propofée fur leurs
commiflïons, qu'ils croyoient éteintes par la mort du Roi. On ordonna que pour éviter la confulion que caufe la multitude, ôc pour diminuer les frais, il n'y auroit que deux Députez de chacun des treize grands gouvernemens du Royaume , qui s'aifembleroient à Pont-Oyfe au tems marqué , munis des inf- tru&ions Ôc des pouvoirs néceffaires 3 pour travailler efficace- ment à l'acquit des dettes immenfes de l'Etat. On convint en- core que dans la prochaine affemblée, on examineroit la re- quête que Rochefort avoit préfentée au nom des Proteftans. Clôture des En conféquence , Quintin au nom de tous les Ordres de- Etats. Quin- manda au Roi la clôture des Etats , par un difeours préparé x i l'Amiral.11-- dans lequel il fit exeufe à l'Amiral de ce qu'il avoit dit dans fa harangue. Il protefta qu'il n'avoit eu deflein d'oifenfer perfonne, ni de manquer au refped dû à la NoblelTe, mais feulement de dire en confeience ôc avec liberté ce qu'il croyoic être utile au Roi.
Le cardinal de Lorraine , qui fentoit avec douleur fon an- cien crédit diminuer , jugea qu'il devoit pour fon honneur s'éloigner de la Cour , ôc fous le prétexte fpécieux de vifiter fon troupeau , il fe retira à Rheims. Mort trasi- ^ arriva vers ce tems là un trifte accident. Henri de Bour- que du mar- bon , marquis de Beaupreau , fils du prince de la Roche-fur-
prea«de BeaU" ^on * W1 n'avo^ Pas encore quinze ans , ôc qui dans un âge fi peu avancé donnoit de grandes efpérances , tomba de che- val. Robert de la Marck comte de Maulevrier, qui couroit avec lui ôc le fuivoit de près , ne put arrêter fon cheval qui étoit vigoureux , ôc qui palTa fur le corps du jeune Marquis , ôc 1 e- jçrafa. Son père ôc fa mère eurent bien de la peine à fe confolex
DE J. A. DETHOU, Liv, XXVII. i; d'une mort fifunefte , qui leur enlevoit un fils unique , 6c toute r^^^^^: la Cour le pleura. Les fpéculatifs obferverent que la maifon Char le de France , une des plus illuftres du monde , perdit dans le me- jx me mois le premier ôc le dernier de fes rejettons. i < 6*o'
Sur la fin de cette année commença la guerre contre les habitans des Vallées , qui ne finit que l'année fuivante. Nous t^YeVV^bi" allons en rapporter tous les événemens. Il y a voit plus de qua- tans des y al-. tre cens ans que Valdo, FEfperon, Arnaud, & plufieurs autres, Iées* avoient dogmatifé ôc perfuadé à leurs difciples de fe féparer de l'évêque de Rome. De ces difciples , qui furent par-tout vivement perfécutez , quelques-uns fe retirèrent en Allema- gne, en Pologne , en Lieffland ou Livonie, ôc jufqu'aux ex- trêmitez du Nord. Les autres allèrent en Italie , 6c s'établi- rent dans la Pouille ôc la Calabre j une partie fe cacha dans les lieux les plus incultes de Provence ', une autre fe réfugia dans les vallées , qui font au pié des Alpes. Nous avons parlé afTez au long de ceux de Merindol Ôc de Cabrieres *, qui fe fixe- *ï-mc VI« rent en Provence , il faut maintenant dire quelque chofe de ceux qui habitent les vallées.
Dans le payis " qui eft au pié des Alpes , jufqu'au mont Cénis , fe trouve le mont Vefule, d'où fort le Pô , fleuve le plus célèbre d'Italie , qui dès fa fource coule vers l'Orient. Au pié de cette montagne, eft une vallée , nommée Luferne, d'u- ne ville de ce nom , qui eft à l'entrée. On voit de fuite la val- lée d'Angrogne , ainfi appellée à caufe de la rivière du même nom , qui paffe au milieu j la vallée de Peroufe , ôc celle de S. Martin. Dans ces vallées contiguës , il y a environ quinze mille habitans , qui depuis Valdo profeffent la religion à peu près telle qu'il l'a enfeignée.
Avant le dernier traité de paix, ce payis , dont la plus gran- de partie eft à préfent au duc de Savoye , étoit fous la domi- nation du roi de France 5 ôc on l'a quelquefois bien maltraité. L'an 15*5: y au commencement du mois d'Août, les habitans d'Angrogne ayant fait publiquement prêcher l'Evangile à leur manière , le Sénat de Turin défendit fous peine de mort ces fortes d'allemblées publiques.
Ceux qui ont écrit en faveur des habitans des Vallées , ont
^ 1 Ce payis eft proprement ce qu'on appelloit les Alpes Cotties, 8c aujour- d'hui le Piémont.
Cij
so HISTOIRE
remarqué , comme un figne fenfible de la jufte vengence de Char le ^eu > q^un certain Jean-Martin Trombaut , du village de j^ Briqueras , qui avoit plufieurs fois menacé le paiteur d'Angro-
i c 60, &ne ^e ^Ql couPer ^e nez* fut quelque tems après attaqué par un Loup enragé , qui lui arracha le nez avec les dents ; qu'il devint lui-même enragé , Ôc périt miferablement. Pour don- ner à cet événement un air de prodige, ils ajoutent qu'on n'a pas oui dire que ce Loup eut depuis fait le moindre mal à perfonne.
Non-feuîement l'arrêté du fénat de Turin ne fk aucune im- preiïion fur les habitans d'Angrogne 5 mais ceux de Luferne fe donnèrent la même liberté de faire prêcher publiquement ; ôc les habitans de S. Martin commencèrent l'année luivante , vers le mois de Mars , à tenir des affemblées publiques de Re- ligion. Le Sénat irrité de leur opiniâtreté [ députa le préfident Aimé de S. Julien, ÔCi'AfTeiTeur appelle de Ecclefia > pour en informer > ôc pour les empêcher de continuer.
Les habitans des Vallées tinrent fur cela une Affemblée gé- nérale , dont le réfultat fut de préfenter aux commiflaires du Sénat leur profefïion de foi , dans laquelle ils déclaroient: « Qu'ils embraffoient tous les Dogmes renfermés dans l'an- » cien ôc le nouveau Teftament , ôc dans le fymbole des Apô-
* très : Qu'ils admettoient les Sacremens que le Chrift a infti-
* tués , pour répandre abondamment fes dons s fes grâces , ôc » fes tréîors celeftes fur ceux qui s'en approcheroient avec une » foi vive ôc fincére : Qu'ils recevoient les Décrets des qua- » tre Conciles œcuméniques de Nicée , de Conftantinople , » d'Ephéfe ôc de Calcédoine s de plus , les préceptes du Déca- « logue , qui contiennent les règles d'une vie pieufe ôc fain- » te : Qu'au refte , ils bannhToient de leurs maifons Ôc de leurs
* affemblées toute iniquité : Qu'ils déteftôient ôc abhorroient o> les juremens, les parjures, les imprécations, les injures, les ^ querelles , les féditions , la crapule , l'yvrognerie , la débau- « che de femmes , les divinations > les fortiléges , les enchan- ta temens, le larcin , l'ufure, la tromperie , ôc tous les autres » vices ou péchez : Qu'ils croyoient que les Puiiïances fouve- « raines font d'inftitution divine 1 que ceux qui craignent Dieu, 3? doivent leur obéir ; ôc que quiconque réfufe de fe foûmettre » à leur autorité ,, fait la guerre contre Dieu : Que telle étoit la
|
Charle |
|
IX. |
|
1560. |
DE J. A. DE THOU, Liv. XXVIL ai
» foi qu'ils avoient reçue de leurs ancêtres : Que iï les Pères 33 ou les enfans s'étoient trompés en quelque point , ils defi- s> roient fmcérement d'être redreffés , inftruits ôc corrigés par 33 la parole de Dieu : Qu'ils renonceroient de bonne foi , ôc si fans délai , à toutes les erreurs en matière de Religion , qu'on « leur feroit connoître : Qu'ils embrafferoient toutes les veri- to tés ôc tout le bien > qu'on leur montreroit ■. Et qu'ils rendroient » d'éternelles actions de grâces à quiconque auroit la bonté de » les enfeigner. »
On agita, pour la forme feulement , les queftions fur le fa- crifice de la MeiTe , fur la Pénitence , fur la Confeflion fe- crette , qu'on nomme Auriculaire ; fur les traditions ; fur les cé- rémonies ; fur les prières ôc fuflrages pour les morts , ôc fur les cenfures Eccléfiaftiques. Sur tous ces articles , les habitans des Vallées faifoient profefïïon , ou de ne les pas admettre , ou de diuinguer entre ce qui étoit d'inftitution humaine , pour le rejetter abfolument 5 ôc ce qui fe trouveroit conforme à la pa- role expreffe de Dieu , pour le recevoir avec refpect.
Le préfident de S. Julien , de retour à Turin , fit fon rapport ïlsfontmaï-
S/ T / •/- j /pi / • a * traités d'a-
enat. La matière étant mile en délibération, on arrêta que boid par jc
le Sénat écriroit au Roi , pour fçavoir fes intentions. Mais la Roi. Cour occupée d'autres affaires fut près d'un an fans faire de réponfe. Dès qu'on l'eut reçue , S. Julien vint à Pignerol, d'où il manda aux habitans des Vallées de lui envoyer deux dépu- tez ou fyndics de chaque lieu. Lorfqu'iïs furent venus , il les affembla , ôc leur dit : « Que le Sénat avoit envoyé au Roi leur » profefïïon de foi , telle qu'ils l'avoient préfentée l'année der- » niere : Que Sa Majefré l'ayant fait examiner avec foin par 33 des Théologiens Orthodoxes , tous l'avoient unanimement » condamnée comme pleine d'erreurs ôc contraire à la vraie 33 Religion : Que le Roi leur ordonnoit d'y renoncer , ôc defe » foûmettre à la Sainte Eglife Romaine: Que s'ils n'obéïfToient, 33 on les y contraindroit par la faille de leurs corps ôc de leurs » biens. »
Les Députez demandèrent à voir les ordres du Roi : le Pré- fident irrité de ce qu'ils ne le croïoient pas fur fa parole , les leur montra , ôc ne leur donna que trois jours pour fe déter- miner à obeïr. De Pignerol S. Julien pafla à Lulerne , ôc ayant afTemblé le Confeil , il les prefTa de fe foûmettre aux ordres de
Ciij
a* HISTOIRE
fa Majefté. Tous , perfiftant unanimement dans leur profefïion Ch arl E ^e ^oi » demandèrent qu'on l'examinât; ôc que il on trouvoit I X. quelque erreur , on la leur découvrit de bonne foi 3 ôc avec i <6o. bonté. Le Préiident voyant que les carefles ôc les menaces étoient également inutiles , ordonna fur peine de la vie , que les Pafteurs ôc les maîtres d'Ecole comparoîtroient devant le Sénat de Turin. A cette Sentence , qui n'eut pas plus de fuc- cès, le Sénat ajouta un arrêt, qu'il envoya publier parunHuif- lier , par lequel il ordonnoit aux habitans des Vallées de ne re- cevoir aucun Pafteur , qui ne fût envoyé par l'archevêque de Turin , ou approuvé par le Sénat; de vivre comme leurs An- cêtres ; Ci quelque Prédicant de Genève , ou d'ailleurs , venoit chez eux, de le dénoncer, ou de l'arrêter , promettant desré- compenfes aux dénonciateurs , ôc menaçant de mort ôcdecon- frfcation de biens ceux qui nobéïroient pas.
Depuis ce tems-là , foit que le Sénat crût avoir fuffifam- ment rempli fon devoir , par le rigoureux Arrêt qu'il avoit prononcé ; foit qu'on ne voulût pas aigrir ôc irriter des fujets d'ailleurs doux ôc tranquilles ; foit qu'on eût égard à la recom- mandation des SuifTes , ôc des Princes Proteftans d'Allema- gne , qui follicitoient fans celle le Roi en leur faveur 5 trois ans fe pafférent fans qu'on leur fît aucune peine 5 ôc le calme dura jufqu'au traité de Paix , par lequel ce payis fut rendu au duc de Savoye.
Enfin à l'inftigation ôc aux inftances réïterées du Pape , le duc de Savoye , contre fon inclination , entreprit l'an 1 5" 60 de leur faire la guerre. Elle commença au mois de Mars , par les châtimens terribles , qu'on exerça contre ces mal- heureux. Jean de Carquignan , Mathurin , ôc fa femme, furent arrêtés , ôc brûlés trois jours après , pour avoir perfeveré dans la. profefïion de Foi , qu'on envoya > mais qu'on ne préfenta pas au duc de Savoye. On févit cruellement contre ceux de Meane , de l'Arche , de Merone , ôc de Sufe , dont les biens furent pillés. Quelques-uns furent punis de mort ; ôc plus de foixante condamnés aux galères ; d'autres intimidés par les fu- plices 3 prirent le parti d'abjurer la Religion qu'ils avoient juf- qu'alors profefTée.
On nomma trois CommhTaires , Thomas Jacomel, Domini- cain, Inquifiteur de la Foi 3 Turbis Affefleur , homme violent *
DE J. A. DETHOU,Liv. XXVII. fa
ôc un Juge criminel. Ils vinrent de Carignan , avec des ordres précis de faire en diligence , ôç fans quartier, le procès à ceux CHARL qui étoient fufpects. Cependant à la prière de Charle comte j y de Lufeme , ôc de quelques gentilshommes d'Angrogne , on i ? $'0 les traita avec moins de rigueur.
Dans tout le tems de cette guerre , les moines d'un Convent qui n'eft pas éloigné de Pignerol , continuèrent leurs hoftili- tez. Ce Monaftere étant fitué à l'entrée des Alpes , les habi- tans des Vallées étoient obligés, en allant ôc venant, depaffer devant la porte : ôc tous ceux qu'on pouvoit furprendre étoient traitez cruellement par une troupe de gens armés , que \qs Moi- nes entretenoient pour cet effet.
La plus grande partie de la Noblefle de ces vallées profita de cette occafion, pour rétablir fes affaires, ôc pour s'enrichir par le pillage ôc par la confifcation des biens de ces mifera- blés. Plus ils les traitoient inhumainement , plus ils s'imagi- noient faire leur cour au Prince. Les frères Charle ôc Boni- face Truchet furpafTerent tous les autres en barbarie. Charle ayant apofté l'année précédente des gens , pour arrêter un Mi- nière qui prêchoit, le peuple fefouleva. ôc ce Gentilhomme fut en danger de perdre la vie. Auflitôt il fit un procès aux habitansj ôc il demanda réparation de l'injure que ces vafTaux avoient fait à leur Seigneur. Ils eurent beau alléguer qu'ils n'avoient fait que fe défendre , ôc repoufler une plus grande injure qu'on leur faifoitnls furent condamnés à lui payer feize cens écus.
Plus irrité qu'auparavant , Charle avec fon frère s'avança le deuxième jour d'Avril, enfeignes déployées , ôc tambour battant , vers Rauclaret > place dont il étoit feigneur , ôc l'at- taqua lorfqu'on y penfoit le moins. Les habitans effrayés for- ment de la place , avec leurs femmes ôc leurs enfans de l'un ôc de l'autre fexe , ôc tachèrent de gagner par des che- mins dérobés le fommet d'une montagne couverte de neiges. Comme ils étoient prefque nuds , ôc qu'ils y pafferent trois nuits, ils penferent périr de froid. Leur Pafteur revenu depuis peu de Calabre, fut condamné au feu, avec un habitant nom- mé S. Martin ; on pilla les maifons , ôc les gens de Truchet ne fortirent point de la place , que ces malheureux n'euffent promis de fe foûmettre à l'Eglife Romaine,
24 HISTOIRE
Mais un événement inopiné les mit bientôt en état de ne Chai pas garder la promette qu'on avoit extorquée d'eux. Les ha- j y bitans de Pragela fujets du Roi , ôc auffi attachez à la doc- ' trine de Valdo , ne pouvant plus fouffrir les maux dont les J habitans de Rauclaret leurs voifins étoient accablés, y en-
voyèrent quatre cens hommes , pour en chafler les foldats qui étoient occupés à piller , & pour faire rentrer dans leurs mai- fons les pauvres habitans qui avoient pris la fuite. Us attaquè- rent la nuit les troupes des Truchets 3 ils les défirent , fans perdre un feul homme j & Charle eut bien de la peine à fe fauver. . . Puifque c'eft la première fois que nous parlons des habi-
'des Vallées?" tans de Pragela, l'occafion fe préfente de dire quelque cho- fe de ceux des Vallées , qui font fous FobéïiTance du Roi. A cinq lieues ou environ d'Embrun, Métropole des Alpes maritimes, en allant vers l'orient, on trouve à droite la vallée de Queras ; ôc à gauche, celle deFraifTo, ou la Fraifïiniere ; entre lefquelles on voit encore les ruines de Rama, ville au- trefois confiderable. De-là, après avoir gagné le haut de la mon- tagne, par des chemins rudes ôc difficiles, on trouve un fen- tier très étroit , taillé dans le roc , que les habitans du lieu appellent encore aujourd'hui le chemin d'Annibal. De forte qu'après cela il ne tiendra pas à moi , que ceux qui difputent avec tant de chaleur fur le chemin que prit ce Général pour pafler en Italie , ne s'accordent , ôc ne finiffent leurs difputes; puifque le premier payifan qu'on rencontre en ces lieux , le peut aifément montrer. On va par ce chemin à Briançons ôc à gauche on trouve le Val-Louis , ainfi appelle de Louis XII. Ce Prince paffant par-là pour aller en Italie, fit un grand carnage des Vaudois j mais depuis touché de compaffion , ôc fâché de ce qu'il avoit fait , il changea le nom de ce lieu. Les voifins de cette ville lui avoient donné le nom injurieux de Val-Jule , parce que la Religion y avoit été corrompue. Mais Louis voulut que dans la fuite elle portât fon nom. En- fin après avoir paffé le mont Genêvre , laifTé à gauche Exile ôc Suze , qui font au-deiïous ôc paffé encore le mont qui eft vis-àvis , on trouve au-de-là des Alpes le Val de Clufon, ainfi appelle de la rivière de ce nom , qui après avoir coulé entre la ville de Pignerol ôc le village de Briqueras, fe jette dans le Pô. Pragela bourg fort peuplé , d'où vinrent les quatre
cens
DE J. A. DE T H O U , L i v. XXVIL ^
Cens hommes envoyés au Jfecours de Rauclaret , eft dans cette vallée. Perouze , première place appartenant au duc de rHARLE Savoye, eft fituée dans le fond du Val de Clufon. Apres Pe- j^v xoufe i on rencontre à droite S. Martin ôc S. Jean ; l'un ôc l'au- l J tre font dans la vallée d'Angrogne, la plus peuplée de toutes, £c abondante en toutes les chofes néceifaires à la vie. Elle fe détourne vers le Midi par le val Eobbio , ôc fe joint à la vallée de Queras, qui eft fous la domination du Roi.
La vallée de Fraiffo eft de toutes la plus fauvage ôc la plus vie & affreufe. La terre en eft inculte ôc fterile, ôc les habitans fort mœursdesh** pauvres. Les hommes ôc les femmes ont pour habits des peaux praiflb. de mouton deffechées ôc dégraiffées avec du fel, dont les pieds fervent d'agrafes 5 ceux de devant , pour attacher ces peaux au cou j ôc ceux de derrière } pour les arrêter au deflbus du ven- tre. Leurs bras font nuds, ôc les hommes ne font diftinguez des femmes, qu'en ce que ceux-là portent un méchant caleçon, ôc celles-ci une efpéce de robbe qui ne les couvre que juf- qu'au deffous des genoux. La coeffure des femmes eft de lin- ge , ôc ce n'eft qu'en cela que ces peuples font ufage de la toile y car ils n'ont ni chemifes ni draps dans leurs lits. Ils couchent tout habillez fur la paille , ôc n'ont pour couvertu- res que des peaux de mouton. Ces peuples n'ont que fept villages* Leurs maifons font de caillou ; les toits en font plats ôc enduits de boue. Lorfque les pluyes les ont endomma- gées, ils ont foin de les réparer ôc de les applanir avec une efpéce de rouleau. Ces maifons font de vraies étables , où lo- gent les hommes ôc les bêtes , qui ne font féparés que par une cloifon.
Ils ont au dehors à l'écart deux efpeces de cavernes, pour leur fervir au befoin. Us cachent dans l'une leurs troupeaux Ôc leurs beftiaux , lorfqulls appréhendent quelque incurfion ', Ôc ils s'enferment dans l'autre. Il y a des voûtes dans ces caver- nes , d'où il tombe de l'eau qui fe congèle , ôc qui forme une infinité de figures 11 différentes , qu'il femble que la nature fe joué" , ôc prenne plaifir à reprefenter des animaux , ôc une infi- nité d'autres chofes. La nature a placé dans ces cavernes deux lacs , dont les eaux fe perdent l'un dans l'autre. Lorfque la lu- mière y entre , par l'ouverture qui leur fert de porte , les fi- gures qui y font repréfentéçs , venant à fe réfléchir dans ces Tome IV, J)
26 HISTOIRE
'■■' lacs , donnent aux yeux un fpe&acle également furprenant de
~Z agréable.
j^- Les habitans de cette vallée vivent de laitage ôc de gibier.
Leur occupation eft de nourrir du bétail: ils font fort bons ' arquebufiers 5 ils ne manquent jamais les daims , les chevreuils ,
les chamois , les boucs fauvages , Ôc les ours , dont ils mangent la chair prefque fans aucun apprêt. L'ufage de ces viandes > ôc leur malpropreté 3 font qu'il s'exhale de leur corps une odeur forte , qu'on fent de loin , ôc que les étrangers ont peine à fup- porter. Heureux dans cet état , contens de leur fort , égale- ment riches ou pauvres } ils n'ont point parmi eux de men- dians : fe fuffifant à eux-mêmes, il eft' rare qu'ils cherchent à faire des liaifons d'amitié, ôc il n'arrive jamais qu'ils contrac- tent des alliances avec les étrangers.
Ce qui furprend , eft que les inclinations , l'efprit ôc les mœurs de ce peuple ne fe reffentent en aucune façon d'un ex- térieur fi groffier ôc fi fauvage. Ils vivent dans une très-grande médiocrité 3 ou plutôt ils languiflent dans une affreufe mifere s leurs vifages fales ôc hideux annoncent leur malpropreté ôc leur puanteur: cependant ils ont tous en quelque forte l'efprit cul- tivé : il n'y en a pas un parmi eux , qui ne fçache lire ôc écrire 3 ôc qui ne fçache la langue Francoife affezbien, pour entendre la Bible , ôc pour pouvoir chanter les Pfeaumes. On ne trouve pas dans leurs villages un enfant 9 qui ne foit en état de répon- dre à propos , lorfqu'on l'interroge fur la foi qu'il profeffe , & ne répète par cœur ôc avec facilité ce qu'il doit fçavoir : ce- la leur eft commun avec tous les habitans des vallées. Ils payent religieufement les tributs qu'on doit au Souverain ; ôc félon leurs principes , c'eft après le culte de Dieu , le pre- mier de leurs devoirs. Lorfque quelque guerre civile em- pêche ou retarde la levée des impôts 3 ils mettent à part ce qu'ils doivent payer j ôc aufii-tôt que le calme eft rétabli , ils le remettent fidèlement entre les mains des receveurs commis par le Prince. Suite de la Je reviens aux deux frères Truchet. Irrités de la défaite'
guene fane de leurs gens par les troupes envoyées de Pragela, ils en por-
aux habitans , b \ . f . 1 3 0-i i
des Vallées, terent leurs plaintes au duc de oavoye, ôc ils en obtinrent un ordre de rétablir le Fort de S. Martin , que les François avoient démoli vingt ans auparavant j afin que la garnifon qu'ils y
DE J. A. DETHOU.Liv, XXVII. a?
mettroient, pût harceler les habitans des villages voifins. Pen- dant qu'on travaillent avec ardeur à ces fortifications , lesTru- C h \rl E chets vinrent à Nice , pour faire leur cour au Duc qui y étoit. j x. Un jour qu'ils étoient allez par plaifir fe promener fur la mer , ils IÇ^0< furent pris par un brigantin Turc, ôc faits efclaves avec plufieurs autres : ils fouffrirent beaucoup dans leur captivité , ôc eurent bien de la peine à fe racheter , quoiqu'ils euffent foigneufe- ment cachéleur condition. Le duc de Savoye tomba en même tems dans une grande maladie i ce qui donna quelque relâche aux Vaudois.
Quelque tems après, Philippe de Savoye comte deRaconis, homme d'un caractère doux ôc humain , ôc qui ne fouhaitoit rien tant , que de voir la paix rétablie dans le payis , defeendit dans la baffe Angrogne , ôc affifta , au grand étonnement de tous ceux qui le virent, à l'affemblée qui fe tenoit dans ce mo- ment. Après le fermon, qu'il écouta tranquillement ôc avec bonté , il prit les Pafteurs ou Miniflres en particulier i il leur parla de la maladie du Prince , il les affûra que ce n'étoit pas lui qui avoit excité la perfécution, ôc il les pria de prendre les moyens d'appaifer fa colère. Les Pafteurs répondirent , qu'ils ne voyoient point d'autre moyen , que de bien perfuader le Prince de l'innocence des habitans ; que pour cela ils avoient prié le comte Charle de Luferne de préfenter de leur part une requête en forme de mémoire , qui contenoit les principaux articles de leur profefïion de foi ; mais qu'ils ne fçavoientfi elle lui avoit été prefentée : qu'ils le fupplioient donc très-inftam- ment , de vouloir bien rendre à des fujets malheureux ce bon office auprès de leur Prince. En même tems ils donnèrent au Comte trois requêtes , ôc ils le prièrent d'en préfenter une au Duc> une à Marguerite fon époufe ( fondant de grandes ef- pérances fur l'équité de cette Princeiïe ; ôc une troifiéme au Sénat.
Philippe les prit ôc les préfenta. L'affaire fut agitée dans îe Confeil du Prince , ôc fur la fin de Juin, il revint dans les Val- lées , avec Luc de la Cofte comte de la Trinité. Auffi-tôtil af- fembla les habitans , ôc leur dit ; qu'on avoit envoyé à Rome leur profeflion de foi , ôc qu'on en attendoit la réponfe au pre- mier jour. Puis après une légère difpute avec les Pafteurs , i! fit aux Syndics trois queftions : La première , s'ils obéïroient
D ij
â8 HISTOIRE
— —■■ — au Prince en cas qu'il voulût faire célébrer publiquement te
Charle Meflfe dans leurs vallées ? La féconde, s'ils recevroient vo-
j x lontiers, ôc écouteroient avec docilité les Théologiens, qu'il en-
ï f 6 o. voyer°it Pour ^es inftruire? La troifiéme, fi pendant ce terns^
là ils impoferoient filence à leurs Miniftres ?
A la première , ils répondirent qu'ils ne fouffriroient jamais qu'on célébrât chez eux la MeiTe. Ils dirent à la féconde, qu'ils écouteroient volontiers les Théologiens envoyez parle Prince s pourvu qu'ils annonçaient la parole de Dieu dans toute fa pureté. Pour la troifiéme propofition , ils la rejetterent abfolument. Les deux Comtes fignifierent dans Pinftant aux habitans des Vallées un ordre du Prince, qui leur enjoignoit de chaffer inceffamment les Miniftres étrangers. Le motif ou le prétexte, dont on colo- roit cette ordonnance , étoit le foupçon que le Prince avoit conçu de leur fidélité , ne pouvant regarder ces étrangers , que comme des ennemis fecrets , qu'il entretenoit dans les terres de fon obéhTance.
Le duc de Savoye n'ayant pu rien obtenir par cette voyev renouvella les anciennes ordonnances contre les Vaudois,Ô£ on commença à les traiter avec plus de rigueur que jamais. On envoya une troupe de foldats à S. Germain, village de la val- lée de Peroufe; on en prit le Pafteur & plufieurs autres, qui furent brûlez à petit feu. Les habitans dépouillez de leurs biens , furent obligez de quitter leurs maifons , ôc de fe retirer dans les montagnes voifines. Enfin pouffez à bout par les mau- vais traitemens qu'ils recevoient chaque jour des moines dePi- gnerol, ils confulterent leurs Pafteurs , ôc ils en obtinrent la per- miflion de fe préparer à une jufte défenfe , ôc de repouffer la for- ce par la force. Les Pafteurs eurent foin de les exhorter à épargner, autant qu'il feroit pofïible , le fang de leurs enne- mis. Mais en vain exige-t-on quelque modération de gens qui n'ont pris les armes qu'après avoir été long-tems outragez > $k dont la longue patience s'efl tournée en fureur. Les habitans Les payifans d' Angrogne , occupez pendant le mois de Juiî- prennent les ^t à faire leur moiiTon fur la montagne qui regarde le village armes. de S. Germain } ayant entendu le bruit des gens armés qui
venoient de S. Germain , donnèrent le fignal : tous prirent les armes, ôc accoururent de tous cotez, des montagnes ôc des vallées voifines. Cinquante ou environ , qui connoiffoiem
DE J. A DE THOU, Liv. XXVII. a&
parfaitement les lieux , attaquèrent fi vivement les foldats , qui
étoierit chargés de butin , que quoiqu'ils fuffent fix vingt , ils les r; H a r l K
culbutèrent ôc les pourfuivirent jufqu'au Pont de Clufon. Com- j v-
nie ils en trouvèrent l'entrée fermée, une partie fe précipita /Q
dans la rivière ; une autre fut taillée en pièces , ôc très-peu fe
fauverent.
AulTi-tôt le bruit des armes ayant attiré plus de quatre cens hommes , les vainqueurs réfolurent d'aller au monaftere de Pi- gnerol, qui n'en ell diftant que d'un mille, d'en brifer les por- tes , ôc de délivrer ceux de leurs compagnons ,. que les Moines -retenoient dans une cruelle captivité. Mais l'exécution ayant été remife au lendemain , les Miniftres , qui joignoient à la fol- licitude paftorale un efprit de paix , les exhortèrent , les prek ferent, ôc enfin les engagèrent à changer de deffein.
Sur ces entrefaites le Gouverneur de FofTano , accompagné de quelque Nobleffe , vint à Angrogne le vingt de Septem- bre de la part du Prince, quil'avoit ,difoit-il, envoyé. Ayant convoqué les Syndics , il leur montra la requête qu'ils avoient prefentée , ôc ils la reconnurent. On entra enfuite^Jans une cifpute , qui finit par des invectives , ôc on renouvella par- tout les vexations , qui n'étoient que fufpenduës.
Sur la fin d'Oclobre le bruit courut, que le duc de Savoye Us le? më$ avoitlevé des troupes, ôc qu'il avoit accordé le pardon à tous tent bas*- ceux qui étant en fuite pour leurs crimes, ôc condamnez par contumace, prendraient les armes, ôc s'enrolleroient dans l'ar- mée qu'il alloit envoyer contre les Vaudois. Sur ces bruits , les Pafteurs de Luferne ôc d'Angrogne s'affemblerent avec les Syndics : après avoir mûrement délibéré , tous décidèrent unanimement qu'il ne falloit pas défendre fa vie par les armes contre le Souverain ? mais qu'il falloit emporter tout cequ'ils- pourroient de leurs biens , fe retirer dans les montagnes voifi- nes, ôc y attendre en paix la grâce de Dieu, qui n'abandonne jamais ceux qui font à lui , ôc qui peut feul amollir les cœurs des Princes. Us indiquèrent un jeûne univerfel , ôc ils fe pré- munirent contre les efforts de leurs ennemis > par la cène qu'ils célébrèrent à leur façon.
Qui ne feroit furpris de voir un peuple nombreux, fi docile ôc fi fournis à la voix de leurs Pafteurs ? Rien de fi dur Ôc de ^difficile, que de. renoncer à ce que l'on a de plus cher ^ ôc
D iii
3ô HISTOIRE
_ de quitter fa niaifon. Cependant il ne fe trouva pas un feuî C f a R l E na^"ant ^es vallées , qui ne fe fournît volontiers à une décifion j ^ Ci rigoureufe , dès qu'elle fut publiée. Il fe trouva peu après _ > g d'autres Miniftres d'un fentiment contraire , & qui opinèrent ., que quand la néceffité eft extrême , ôc que les affaires font défefperées , il eft permis de repoufTer par les armes les efforts des ennemis 5 furtout lorfqu'on ne prend pas les armes contre le Prince ; mais contre le Pape qui abufe de la puiflance du Prince , lorfqu'on ne les prend pas pour la Religion, mais pour fauver fa vie , ôc celle de fa femme ôc de fes enfans. Ce der- nier avis ne fut point fuivi par ces fcrupuleux villageois, qui perfîfterent conftamment dans la réfolution de fe laiffer égor- ger , plutôt que de prendre les armes , quoique Charle comte de Luferne, qui s'intéreffoit pour eux, les eût avertis affez à tems du danger dont ils étoient menacés > s'ils ne le préve- noient par leur foûmiffion aux ordres du Prince.
Enfin le fécond jour de Novembre, l'armée du duc de Savoye parut fur les confins de Luferne, à l'infcigation , ôc fous la conduite du comte de la Trinité , général d'une gran- de réputation , qui avoit fervi dans les troupes de l'Empereur, du roi d Efpagne , ôc du duc de Savoye , tandis que le comte de Bene fon frère fervoit dans les troupes de France. On com- mença la guerre par de légères efcarmouches 5 mais les habi- tans des vallées s'étant retirés dans les montagnes , ôc en ayant fermé les paffages , l'armée s'avança jufqu'à S. Jean dans la vallée d'Angrogne. Là elle paffa en revue dans le pré du Tour, ôc furprit quelques habitans, qui n'avoient encore pu joindre leurs compagnons.
Les foldats marchant en diligence par les vignes , pour s'em- parer des entrées des montagnes qui étoient par derrière i l'ex- îL'extrêmené- trême néceffité où les habitans fe trouvèrent réduits , les força ce deC| -epren- contre leur inclination , ôc maigre la réfolution qu'ils avoient dœ les armes prife, de recourir aux armes. Ils n'en avoient point d'au* pourfedefen- tres ^ue quejqUes fr0ndes ôc quelques arbalètes. Mais fe voyant attaqués de différens cotez , ôc fur le point d'être environnez de toutes parts , ils s'efforcèrent de gagner le fommet des montagnes. Cependant dès qu'ils trouvoient quelque lieu avantageux , ils s'arrêtoient , Ôc combattoient avec tant de valeur , qu'ils fe défendirent jufqu'à la nuit avec très-peu de perte.
EJ. A, DE T H O U ; L i v. XXVIÏ. 3 r
Le comte de la Trinité campa avec fes troupes auprès de
la Tour, village le plus grand de la vallée de Luferne, fitué Ch arl E au pied d'une montagne , entre Angrogne ôc les autres villa- J X. ges. Les habitans de la Tour, ennemis déclarés des Vaudois, 1 t 6o* avoient fort fouhaité qu'on leur fît la guerre ; mais ils ne pen- foient pas que les calamitez, dont ils étoient ravis de les voir menacés , alloient , à caufe de la trop grande proximité des villages , tomber fur eux. Ils perdirent leurs biens , ôc furent récits à une extrême mifere.
Le comte lit auflitôt réparer les fortifications de la Tout , que les François avoient détruites , ôc il y mit garnifon. Il fit aufli occuper les Forts de Villars, de Peroufe, ôc de S. Mar- tin. Les habitans d' Angrogne n'ayant plus rien à efperer du côté des hommes , pour conjurer l'horrible tempête qui alloit fondre fur eux, mirent toute leur confiance en Dieu , qui pou- voir feul les fecourir : ils implorèrent de tout leur cœur fon affiftance par des prières continuelles ; ils attendoient fon fe- cours avec patience , ôc ils étoient bien réfolus de perféverer conftamment jufqu'au dernier foupir dans la Religion qu'ils profeffoient , à moins qu'on ne leur fit voir par des textes for- mels de l'Ecriture , qu'ils étoient dans l'erreur.
Ceux de Peroufe , de S. Martin, ôc de Pragela, fujets du Ie comte Roi, convaincus que les intérêts doivent être communs entre de la Trinité ceux qui n'ont qu'une feule ôc même Religion, faifoient tous j^r dar des ■ leurs efforts pour fecourir leurs voifins , ôc ils les aidoient en propositions effet de leurs confeils ôc de leurs biens. Le comte de la Tri- de Paix* nité qui en fut informé , craignant que le défefpoir ne donnât de nouvelles forces à des ennemis qui étoient à demi vaincus, tenta de les divifer. Il envoya pour cet effet un exprès aux habitans d'Angrogne; il leur fit dire qu'ils pourroient obtenir le pardon de leur défobéïffance , s'ils vouloient le demander au Prince. Il affùra ôc protefta en prefence de leurs Députés, que le duc de Savoye , par une infpiration divine , avoir ré- folu de les traiter avec plus de douceur ; quoique le Pape , îes Princes > ôc les Républiques d'Italie eufTent confpiré la perte des Vaudois, ôc qu'ils ne cefTaffent de folliciter ce Prince à îes exterminer. Il afïïiraque la Ducheffe fon époufe, qui avoit beaucoup de pouvoir fur fon efprit, les honoroit de fa protec- tion s ôc qu'elle lui reprefentoit fouvent les égards qu'un
3i HISTOIRE
as ■■ Souverain devoit avoir pour des fujets 3 qui ne pouvoîent être
C H a rle regardés comme des novateurs , puisqu'ils profeflbient depuis I X. tant de fecles une Religion que leurs ancêtres leur avoient
i < 60. tranfmife.
il fait unç Le Comte accompagna ces paroles de tant de témoigna- efpece de ges fe bonté ôc de tendrefle , que les habitans d'Angrogne fe laifTerent perfuader ; ils le reçurent dans leur village 5 il y fit célébrer dans le temple de S. Laurent une Méfie, à laquelle il aiTifta avec fes gens > il leur fit enfuite accepter les condiflÊrns propofées, ôc les engagea à drefler une requête , qui conte- noit en fubftance : Qu'ils avoient député au duc de Savoye leur Prince quelques-uns d'entr'eux , pour lui rendre au nom de tous l'obé'ùTance la plus prompte, & la plus refpe£tueufe> telle que les fujets la doivent à leur Souverain 5 ôc lui de- mander très-humblement pardon pour des malheureux 3 que le défefpoir avoit réduits à la trifte neceflité de l'ofïenfer , Ôc de prendre les armes : Qu'au refte ils fupplioient très-inrlamment fôn Altefle de ne point gêner leurs confciences ; de ne îes point aflujetk aux traditions de l'églife Romaine ï ôc de leur per- mettre de conferver la liberté de confcience , ôc la Religion qu'ils avoient reçue de leurs pères.
Les habitans de S. Jean de Roche-plate , de S. Barthelemi ôc de Péroufe , dont les Députez fe trouvèrent à l'affemblée d'Angrogne , foufcrivirent à la requête. Ceux de Luferne ayant appris ce qui s'étoit palTé , firent examiner la requête par leurs Pafteurs ôc leurs Syndics , la fignerent, ôc furent fui- vis des habitans de Villars. Le comte de la Trinité ne traita pas fi humainement ceux de Tailleret , parce qu'ils avoient trop différé à donner leur confentement , ôc que fecourus par ceux d'Angrogne , ils avoient maltraité quelques-uns de fes gens , tandis qu'on alloit ôc venoit de part ôc d'autre. Il les obligea donc à rendre leurs armes , ôc à fe mettre à genoux pour demander pardon.
Après cela le Comte mena fon armée aux Bonnets > fous prétexte de prendre les noms de ceux qui dévoient figner la requête. Alors les foldats attaquent brufquement des malheu* reux qui ne penfent à rien -, ôc vengent , par un pillage de trois ^ours 3 les mauvais traitemens qu'ils prétendoient en avoin ï£çus. La fureur du foldat pafïe de Tailleret à Villars, Le
village
DEJ. A. DE THOU, Liv. XXVII. 33
village eft pillé , ôc plufieurs deshabitans font faits prifonniefs.
Le Comte feignit d'être fâché de ces hoffilitez , qui étoient Charle contre la foi ôc la religion des traitez. Il parut fur tout très- x X. touché , ôc très-irrité en même tems , de ce qui arriva à une jeu- 1 c 6 o. ne fille. Après s'être tirée des mains des foldats, qui vouloient attenter à fa pudeur , elle fe précipita courageufement du haut d'une roche en bas , pour fe dérober à la pafïion brutale de ceux qui la pourfuivoient ; aimant mieux perdre fa vie que fou honneur. En effet les Vaudois ont toujours été fi chartes , fi purs, fi jaloux de leur réputation , que leurs voifins, quoique d'une autre religion, ne faifoient pas difficulté de leur confier leurs filles , pour les dérober aux pourfuites du foldat.
Le Comte exigea de ces malheureux une fomme de vingt Nouvelles mille écus d'or, pour la fubiiftance de fon armée. Mais comme vexations. ils étoient trop pauvres , pour pouvoir fournir une fomme fi confiderable * le duc de Savoye eut la bonté de la réduire à huit mille. Ils empruntèrent cette fomme à des négocians , qui demandèrent des intérêts éxorbitans , ôc qui les forcèrent de vendre ou de mettre en gages leurs beftiaux : trifle nécefîité ; car l'année précédente avoit été fi mauvaife , ôc le blé étoit fi cher, qu'un fac de froment coûtoit communément fix à fept écus d'or , ôc quelquefois huit.
Lorfque cette fomme eut été payée, on ne retira pas les troupes, comme les Vaudois s'en étoient flattés. Le Comte commença par défarmer tous les habitans , ôc faire porter leurs armes dans les Forts que le Duc avoit fait conftruire , ôc où il avoit mis garnifon. Enluite fur la fomme dont le Prince avoit fait remife , le Comte demanda encore huit mille écus d'or , ôc il les força de s'obliger à les payer dans un certain tems.
Il leur impofa encore une condition, fans laquelle il déclara que les troupes ne fortiroient point du payis ; ce fut de ren- voyer leurs Parleurs. On arrêta donc du confentement de tous les habitans , que les Parleurs s'éloigneroient un peu du Payis , jufqu'à ce que les troupes en fuffent forties. Ainfi ces peuples virent (ôc ce ne fut pas fans verfer beaucoup de larmes) leurs Parleurs forcés de les quitter, Ôc de paffer, pour fe fouflraire à la fureur du foldat , par les défilez de la montagne de S. Mar- tin , où il y avoit alors beaucoup plus de neige qu'il n'y en a ordinairement.
Tome IV. E
54 HISTOIRE
Le Comte feignit de douter que les habitans des Vallées £ euffent accompli de bonne foi cette dernière condition 5 6c
tV pour s'en affiner , il permit aux foldats d'entrer dans lev mai- ^ ' ions , d'y faire la vifite , ôc d'y mettre tout feus deiTus deiTous. " Comme on les obligeoit d'ouvrir toutes leurs portes , ce fut au foldat une nouvelle occafion de piller. Il avoit paru d'a- bord qu'on vouloit traiter un peu plus favorablement ceux d'Angrogne ; puifqu^il étoit ftipulé dans le traité , qu'ils pour- roient garder un Pafteur -, mais on le força dans la fuite de s'enfuïr par des lieux , où il n'y avoit ni chemin ni paiïage. Les foldats faifirent cette nouvelle occafion de continuer leurs bri- gandages. Ils ne fe contentèrent pas de piller la maifon du Pafteur ; ils en pillèrent plufieurs autres , ôc ils déclarèrent aux habitans , que s'ils ne repréfentoient ce miniftre , ils mettroient tout à feu 6c à fang.
Enfin l'armée s'en alla , après avoir brûlé prefque toute la vallée d'Angrogne , détruit les moulins , ruiné les habitans, ôc commis toute forte de brigandages ôc de crimes. Le plus horrible de tous , fut celui que commit la garnifon de la Tour. Ayant pris un homme âgé de foixante ans , ou environ, ils lui attachèrent les mains derrière le dos ; ils le lièrent fur un banc , ôc ils appliquèrent fur fon nombril un efcarbot cou- vert d'une coquille. Cet infetle ne ceiTa de ronger ce pauvre patient , jufqu'à ce qu'il fut entré dans fon ventre , ôc qu'il lui eût fait fouffrir un genre de mort aufli cruel qu'inoùi. On prit, pour exercer toutes ces hoftilitez, le tems que les députez des Vallées étoient allé s'acquitter de leur commifïion auprès du Prince qui étoit à Verceil.
Pendant tout ce tems-là les Vaudois ne firent point d'afTem- blées publiques dans la vallée d'Angrogne , de peur d'irriter le Prince, ôc de mettre de leur côté quelque obftacle aufuc- cès de la députation ; ôc pour ôter aux foldats les prétextes qu'ils cherchoient de continuer leur horrible brigandage. Mais les habitans étoient bien réfolus , quelle que pût être la reùffi- te de la négociation , de faire prêcher publiquement dans leurs aMemblées , aufîi-tôt que les Députez feroient de retour ; de ne plus contribuer à la fubfïftance de l'armée ; ôc de refufer les logemens aux troupes. On retint exprès les Députez à Ver- ceil pendant quarante jours î Ôc après beaucoup de conteftations^
DEJ. A. DETHOU,Liv. XXVÏI. if
on les força , à ce qu'ils dirent , de promettre qu'on célébre- roit folemnellement la Méfie dans leurs Vallées. Ayant obte- r„ , „ T v nu a cette condition le pardon du rrmce ; on les contraignit j v après une longue réiiftance, de le demander au nonce du Pa- . < $ 0 pe , ôc on les laiiïa enfin aller.
Plusieurs fignes fembloient avoir préfagé les malheurs, dont Prodiges vus le Piémont ôc la France furent Ci longtems accablés au fujet de e" cette an~ la Religion. On vit à Quiera ôc à Travilia du feu en l'air pen- dant trois heures. On aperçut dans. la plaine de Cental un très grand nombre de cavaliers rangés en eicadrons ; ôc allez près , on entendit le bruit d'un tremblement de terre , qui imitoit celui d'un chariot roulant. Il parut à Orléans dans le mois de Décembre , tandis que les Etats y étoient affemblés , une co* mete, préfage certain de la mort d'un Roi1. Le même mois il y eut à Vienne en Autriche un tremblement de terre , qui fut fui vi d'éclairs, de tonerres Ôc d'orages affreux. La foudre tomba furl'églife de S. Etienne, èc tout le ciel parut en feu. On vit en Pologne deux armées > qui en vinrent aux mains y ôc dont celle qui étoit du côté du Nord remporta la victoire. Une pluye de fang tomba dans la Pruffe. Dans le payis de Wirtemberg en Souabe , la terre parut s'entr'ouvrir le 27 de Décembre ; ôc le lendemain on vit dans toute l'Allemagne s un peu avant le lever du Soleil , un feu 3 qui parut occuper qua- tre ftades en longueur 3 ôc une en largeur. Ce phénomène trom- pa tous les voifins ; chacun croyoit voir une ville en feu , ôc accouroit de toutes parts pour l'éteindre.
Le mois de Décembre s'étant pafTé de cette façon , les Dé- l S ^1, putez des Vallées revinrent dans les premiers jours de l'année /ïefva*1- iuivante. Ceux de Luferne ôc de Bobbio ayant appris le mau- dois de Frân- vais fuccès de la députation 3 furent pénétrés de douleur. Pleins ce & ceux<*e d'indignation ôc de colère, ils écrivirent aux habitans dePra- ' gela, ôc à tous les Vaudois fujets de la France, pour leur ap- prendre la manière dont on les avoit traités , ôc pour leur de- mander leurs confeils ôc leurs fecours , dans une caufe qui leur étoit commune. L'affaire ayant été mife en délibération , on jugea à propos de faire un traité d'alliance entre les fujets du
i II faut fe fouvenir pour excufer un Hiflorien d'ailleurs fi fage 8c fi ju- dicieux qui donne dans cette fuperfti-
tion ,de ce que nous avons déjà fait ob- fer ver fur les préjugez de fon teras.
m—— — —
£<? HISTOIRE
Roi, & ceux du duc de Savoye , par lequel ils s'engageroient Charle tous * Per;févérer conftamment dans la Doclrine, dont ils fai- j y foient profefllon , & qu'ils croyoient conforme à la parole de c ^ Dieu? à garder, félon la loi du Seigneur , une fidélité inviola- ble à leurs Souverains , ôc à leur rendre une obéïffance parfai- te ; enfin à ne jamais faire aucune promeffe ni aucun traité en matière de Religion, que du confentement de tous les alliés. La «lierre P°U1* figner ce traité , il vint à Bobbio des députez des recommence Vaudois de France , ôc on tint aufTi-tôt une grande affemblée. entre le duc Les habitans des Vallées, encouragés par le grand nombre des les habitans confédérez , refuferent de ratifier les promefTes que leurs dépu- tes Vallées. tez avoient faites au duc de Savoye ; ôc tous unanimement refo- lurent de conclure le traité projeté avec les habitans dePragela. Pour le confirmer, ôc le fceller par des actions d'éclat , ils entrè- rent le lendemain , armés de frondes ôc d'arbalètes > dans l'églife de Bobbio, comme pour y entendre le Sermon ; mais en effet pour renverfer, comme ils firent, les Autels, ôc brifer les Images. Après cette première expédition, ils tinrent leur affemblée, ôc partirent pour Villars dans le même deffein. Un détache- ment de la garnifon de cette place , qui venoit pour piller un des villages de la Vallée de Bobbio , appelle le Val-Guichard , effuya le premier feu de cette nouvelle milice. Il fut attaqué en chemin , arrêté ôc accablé d'une grefle de pierres , qui le mit en fuite. Cet avantage encouragea les habitans à conti- nuer leur route. Arrivés à Villars , ils exécutèrent ce qu'ils avoient projeté ; ils entrèrent dans les Eglifes , ôc ils y abbattU rent les Autels ôc les Images.
Cependant le Gouverneur de Luferne , ôc les Gentilshom- mes voifins, étoient venus à Bobbio, pour faire exécuter les conditions impofées par le duc de Savoye , ôc pour prendre les noms de ceux qui s'engageroient à recevoir la Méfie , ôc de ceux qui la refuferoient. Un changement fi grand ôc fi fu- bit dans ces peuples les étonna : la confternation jointe à la furprife , leur infpira le parti peu honorable de fe retirer prom- ptement dans le Fort , où les Vaudois les tinrent afîiegés pen- dant dix jours. Le Gouverneur de la Tour vint le cinquième jour pour les fecourir , ôc il fut défait. Enfin les afîiegés man- quant d'eau , ôc ne pouvant plus attendre le fecours du comte de la Trinité , fe rendirent , à condition d'avoir vies ôc bagues
DE J. A. DE THO U, Lî v. XXVII. 3j
fauves i mais ils n'oferent fortir de la place, que la capitulation
n'eût été confirmée par le ferment de ces Pafteurs, qu ils avoient Charle
traités avec tant d'inhumanité. I X.
Le Comte revint à Luferne avec fon armée, le deuxième 1561, jour de Février 5 ôc il mit garnifon dans S. Jean : mais il trouva un grand changement. Les Pafteurs d'Angrogne n'avoient plus les mêmes fentimens : tous avoient décidé qu'il étoit permis aux fidèles de prendre les armes, pour défendre, conferver, ôc étendre leur religion ; ôc le traité fait avec ceux de Pragela, avoit été ratifié ôc confirmé. Le Comte s'avança vers Som- meillette, dans les confins d'Angrogne; il attaqua les fortifi- cations que les habitans du lieu avoient faites à la hâte avec du caillou 5 on co**:£>atdt jufqu'au foir, ôc on perdit peu de monde de part ôc d'autre. Cinq jours après , le Comte s'étant avancé vers Angrogne , perdit la plupart de fes gens, ôc fut obligé de fe retirer. Il déchargea fa fureur fur lesmaifons, que les payifans avoient abandonnées, pour fe réfugier dans le Pré du Tour, ôc il en fit brûler plus de mille. Ce Pré eft une petite vallée.» proche Angrogne , très-étroite , qui a deux mille pas de long , ôc qui contient deux cens chaumières. Au Midi ôc au Nord , elle eft naturellement fortifiée par des monta- gnes très-efcarpées. Au Levant Ôc au Couchant, on y entre par des fentiers étroits, rudes ôc difficiles. D'ailleurs elle eft entourée par une petite rivière, qui n'eft pas profonde, mais dont les rivages efcarpés peuvent défendre l'entrée de la val- lée. Ce lieu eft fertile, abondant, commode, riche en pâtu- rages , ôc arrofé de quantité de fontaines. Les payifans des environs en firent leur afile , ôc s'y étant retirés avec peu de provifions, ils conftruifirent fur le champ un moulin.
Le Comte attaqua d'abord le village de Rofato. Plufieurs fois repoulfé, il revint fi fouvent à la charge, qu'il s'en ren- dit maître , ôc mit tout à feu ôc à fang. Ceux qui échappe- perent aux ennemis, fe réfugièrent dans la vallée de Luferne, dont les habitans vinrent au-devant d'eux, ôc eurent le trifte fpe&acle de plufieurs femmes , qui avoient marché toute la nuit, Ôc qui traînoient avec peine par la main leurs petits enfans. L'armée du Comte entra dans la vallée de Luferne par trois endroits. Ceux qui gardoient les pafiages , foûtinrent avec bra- voure le premier choc des ennemis j mais fe voyant invertis
Eii;
5? HISTOIRE
de toutes parts , ils fe retirèrent peu à peu fans cefFer de corn- Charie battre, jufquà Villars, très-grand viilage, Ôc qui n'a point jy de murailles. Ils furent obligés de l'abandonner , dès que la i r 6 i cavalerie du Comte fut entrée dans la plaine. Les malades, les enfans , les femmes , ôc les vieillards fe réfugièrent dans les montagnes voifmes; l'ennemi brûla toutes les maifons, ôc fit un horrible carnage de tous ceux qu'il trouva dedans. Le Pré du Tour fut attaqué à l'Orient par trois endroits. Le com- bat fut rude, long ôc opiniâtre. Le Comte perdit beaucoup de monde , parce que les habitans fe tenoient derrière leurs retranchemens , ôc ne faifoient de forties qu'avec beaucoup de précaution ôc d'avantage. L'attaque devint générale au Sep- tentrion , comme à l'Orient ; mais par iCîut le foldat fut re- pouffé avec perte , ôc il n'en feroit pas refté un feul, fi les habi- tans n'avoient pas été avertis que l'ennemi faifoit une irrup- tion d'un autre côté.
En effet un détachement conduit par Louis de Monteil ; maréchal de camp , ôc par ce Charie Truchet , dont nous avons déjà parlé, ôc qui avoit racheté fa liberté , s'étoit avan- cé vers le Nord 3 mais comme il fe trouva afîiegé par les habitans qui gardoient les pafTages , il revint fur fes pas , ôc gagna le haut d'une montagne que les habitans croyoient inacceffible , à caufe des neiges ôc des glaces. De-là dépen- dant par des lieux difficiles 3 ôc par des rochers couverts de buiffons ôc d'épines , il fit une nouvelle attaque. , Vj30jre jes Les foldats animés par l'efperance du butin , Ôc les Vaudois Vaudois. par le délir de fauver leurs vies & leurs biens , combattirent de part ôc d'autre avec une extrême valeur. Mais les habitans d'Angrogne , fortifiés par la jonction de ceux de Luferne 3 fi- xèrent enfin la victoire, qui avoit été jufqu alors difputée, ôc forcèrent l'ennemi de céder. Un jeune homme de dix -huit ans tua Monteil , en prefence de toute l'armée , fans qu'au- cun de fes gens vînt le défendre. Un petit homme frappa Truchet d'une pierre, ôcle renverfa, un autre furvint, ôc lui coupa la tête avec fa propre épée. Soit que les Pafteurs euffent horreur, comme ils le difoient, de voir tant de fang répan- du, foit qu'ils craigniffent que leurs peuples ne fuffent expo- fés à de nouveaux dangers , s'ils pourfuivoient plus loin leurs ennemis ; ils les rappellerent , ôc firent ainfi ceffer le combat ôc le carnage.
DE J. A. DE THOU, Liv. XXVII. 39
Cette victoire releva le courage des Vaudois, ôc mortifia ,
extrêmement le comte delà Trinité. Le défir de venger cet cHARLE affront , & de réparer la perte caufée par la témérité de Mon- j y teil ôc de Truchet, l'engagea à revenir quatre jours après. f $ Il fit alors attaquer les habitans des Vallées par trois endroits. Une partie de fon armée , qu'il avoit partagée en trois , en- tra par Rofato , l'autre par la plaine, ôc la troifiéme par Taii- leret. Les deux premières le joignirent dans la plaine , entre Villars ôc Bobbio , où il étoit déjà arrivé un gros de cavale- rie. Voyant qu'il y avoit peu de monde fur la cime de la montagne , appellée la Combe , elles rirent tous leurs efforts pour s'en emparer. Les habitans , fans s'effrayer , fortirent deux ou trois fois de leurs retranchemens, ôc repoufferent vigou- reufement l'ennemi. Le Comte qui vit fes troupes plier, en- voya quinze cens hommes pour les foûtenir. Les Vaudois de leur côté, en envoyèrent cent 5 mais ceux-ci furent obligés d'abandonner après un long combat leurs retranchemens , ôc ils fe retirèrent fans beaucoup de perte.
Enflé de ce premier fuccès, le Comte crut qu'en preffant l'ennemi, il auroit une victoire complette : mais il ne tarda pas à éprouver que les vaincus reprennent quelquefois affez de courage ôc de forces , pour vaincre à leur tour. En effet les habitans animés par leurs femmes ôc par leurs enfans, ôc pouffes par le défefpoir, revinrent au combat, chargèrent l'en- nemi , ôc le mirent en fuite. Auflitôt lés Pafteurs raffemblerent le peuple, ôc ordonnèrent des prières publiques, pour rendre grâces à Dieu des avantages qu'il leur avoit fait remporter fur leurs ennemis -, ils le prièrent en même teins de mettre fin à une guerre fi ruineufe ôc fi terrible. Les habitans des vallées ayant reçu fort à propos un renfort qu'on leur envoya d'Angrogne, repoufferent avec la même vigueur le détache- ment des ennemis envoyé contre Tailleret. A leur exemple ceux de Villars fe défendirent avec courage , ôc l'ennemi fut chaffé de leur payis , avec tant de perte , que depuis ce tems-là le comte de la Trinité n'ofa plus defeendre dans la vallée de Luferne.
Ce Général honteux de fa défaite,ôc affligé de tant de pertes, crut qu'il étoit de fon honneur , qu'on ne dît pas que le vain- queur de tant de troupes réglées, avoit été vaincu par des
4* HISTOIRE
^».IM— — ,. payifans, aufqtfeïs il étoit très-fupérieur en nombre; car fcn
Charle armee étoit au moins de fept mille hommes. Uréfolut donc,
IX. pour les vaincre fans péril, de les fatiguer ôc de les harce-
! < 6 i. *er ^ans ce^e* ^ cet e^et ' *e dix-fept de Mars, il partagea fon armée en deux, defcendit dans la vallée d'Angrogne , que les habitans avoient abandonnée , s'approcha le plus près qu'il put du Pré de la Tour, ôc l'attaqua du côté de l'Orient par trois endroits , diftans l'un de l'autre de fix vingt pas.
Les habitans avoient élevé trois Forts , pour en fermer les avenues; le premier fur le haut de la montagne, l'autre au milieu, 6c le troifiéme au pie. Ceux qui gardoient ce dernier pofte , voyant que le Comte attaquoit le premier ôc le plus haut, vinrent fur le champ au fecours de ceux qui le défendoient. Ils reçurent en même tems le renfort envoyé de Luferne ; ôc ayant réuni toutes leurs forces, ils repoulTerent, ôc mirent en fuite les troupes qui les avoient attaqués. Sebaflien de Ver- gile, un des principaux Officiers ennemis , eut les deux cuifles percées d'un coup d'arquebufe.
Pendant qu'on chaiToit les ennemis du premier Fort, un autre détachement attaquoit le fécond qui étoit au milieu. Les habitans n'y avoient laifTé que cinq hommes pour le défen- dre. La vigoureufe réfiftance de ces braves payifans donna à ceux qui défendoient le Fort d'en haut , le tems de chafTer l'ennemi ôc de venir à leur fecours. En effet une grêle d'ar- quebufades , de dards ,* ôc de pierres ayant forcé les troupes du Comte à fe retirer, on vit aufïitôt les défenfeurs du pre- mier retranchement voler au fécond. Le combat recommença; il fut long ôc meurtrier : mais enfin les foldats ne pouvant plus réfifter au feu des payifans, aux flèches, ôc aux groffes pierres dont ils les accabloient , furent obligés de s'enfuir en défordre, ôc abandonnèrent aux vainqueurs les mantelets de bois qu'ils avoient apportés pour fe couvrir , avec les retranchemens qu'ils avoient élevez. On dit que le comte delà Trinité fut ce jour là en très-grand danger de perdre la vie. Du côté des Vaudois, il n'y eut que deux hommes de tués. Le Comte en perdit beaucoup plus , mais on n'en fçait pas le nombre ; car une par- tie des morts fut mife dans des chariots, ôc emportée; l'autre refta au pouvoir des Vaudois , qui eurent foin de les en- terrer.
Le
DE J. A. DE THOU3 Liv. XXVII. 41
Le Comte frappé de ces trilles événemens, avoùoit fran- chement qu'il n'avoit jamais trouvé dans fes foldats tant de Charle foibleffe ôc de lâcheté. Les Vaudois de leur côté publièrent . j x. que dans un fi grand nombre d'efcarmouches , d'attaques &. \ ? 6 \% de combats, ils n'avoient perdu que quatorze de leurs compa- triotes. Ce fuccès parut aux ennemis mêmes fi étonnant & limer- veilleux, qu'on difoit tout haut dans l'armée du duc de Sa- voye , que cette guerre avoit été entreprife contre la volonté de Dieu. On raconte encore que Sebaftien de Vergile par- tant de fon auberge d'un air menaçant , pour venir au com- bat, & ne refpirant que le carnage , fon hôteffe lui prédit qu'il connoîtroit par fa propre expérience , laquelle des deux caufes étoit la meilleure , celle du duc de Savoye 3 ou celle des Vau- dois; parce que la victoire fuivroit le parti le plus jufte. Ce Commandant ayant été bleffé, & rapporté à demi mort à l'auberge , l'hôteiTe s'écria : Que la caufe des Vaudois étoit cer- tainement la meilleure , puifqu'une poignée de payifans avoit vaincu & mis en fuite une 11 puiiTante armée. • Ceux qui ont voulu diminuer la gloire des Vaudois , ont attribué leurs fuccès à la fituation des lieux , Ôc ont dit , qu'il n'étoit pas furprenant que des gens accoutumés à marcher dans des lieux inaccefiibles , en euffent chaffé des troupes qui ne connoifloient point le payis ; que fi le combat le fut donné en plaine, ils n'auroient pas eu tant de courage & de bonheur. Ceux qui ont écrit ces événemens ajoutent , pour en exagérer le merveilleux , que prefque tous ceux qui furent bleffez par les Vaudois , moururent de leurs bleilures. Pour moi , qui ne puis fouffrir qu'on trouve par -tout du miracle 3 j'ai cherché la caufe naturelle d'un effet q-ui paroît fi étonnant. Des gens dignes de foi m'ont aflûré que les habitans des Vallées font dans l'ufage de tremper la pointe de leurs épées, leurs dards, leurs flèches , leurs épieux , & les balles même de plomb dans le fuc de ce qu'ils appellent Fore ou Phtore , plante qui croît en abondance dans ces lieux , & qu'on nomme vulgairement du poifon. Or les Médecins fçavent qu'il n'eft point de venin dont l'effet foit fi prompt.
Le lecteur fera furpris de trouver ici que dans tout le payis des Alpes cette plante a une autre vertu bien différente de la première. Les habitans trempent dans le fuc de la phtore la Tome IV. ■ F
42 HISTOIRE
■ i ■ pointe des couteaux , dont ils fe fervent pour tuer les poules ,-
C h a r l E ^es poulets , ôc généralement toutes les efpeces de volailles , I X. 9!°* f°nt bonnes à manger , ôc qu'on fert dans toutes les au- 1 ? 6 i. berges. Ils enfoncent ces couteaux fous les ailes de ces volail- les ; aufïi-tôt elles perdent leur fang ôc meurent, mais fans con- tracter aucune mauvaife qualité : tout ce qui en arrive, eft que la chair en devient plus tendre , ôc que l'on en peut manger fur le champ. Je laiffe le foin d'expliquer cet effet , à ceux qui font profeffion d'entrer plus avant dans les fecrets merveilleux- de la nature. Proportions Le comte de la Trinité voyant que fes troupes n'avoient e paix" plus la même ardeur dont elles étoient d'abord animées , dé- fefpéra de pouvoir fe rendre maître de la vallée d'Angrogne par les armes. Il eut recours à la négociation, ôc employa plu- îieurs perfonnes , pour fonder les difpofitions des Vaudois , ôc les déterminer à un accommodement.
Pendant qu'on alloit ôc venoit de part ôc d'autre, on agita' dans les Vallées , s'il ne leur étoit pas permis de furprendrela nuit, ôc de battre l'armée du Comte , qui étoit dans la vallée de Luferne. Rien n'étoit plus aifé, parce que le foldat ne fai- foit pas bonne garde. Après avoir délibéré, on jugea qu'on ne devoit pas le faire , de peur de troubler la négociation. Elle penfa néanmoins échouer par un accident fâcheux. Le comte Raconis, à qui cette guerre déplaifoit, ôc que les Vau- dois fçavoient être plein de bonne volonté pour eux , leur en- voya un homme de Briqueras , nommé François de Gilles» Cet homme de bien, après avoir exécuté fa commiffion , vou- lut abfolument retourner le foir à Briqueras : les Pafteurs ôc les fyndics firent inutilement leurs efforts pour le retenir juf- qu'au lendemain. Il s'en défendit fur les ordres que Raconis lui avoir donnez, de revenir dans le jour lui rendre compte de ce qu'il auroit fait. Il partit donc , ôc étant arrivé au bout de la vallée d'Angrogne , il tomba entre les mains de deux Vaudois 3 qui pour venger les mauvais traitemens qu'ils avoient reçus , le mafïacrerent , fans faire attention que les députez ou envoyés font des perfonnes facrées.
Le Comte reffentant , comme il devoit , toute l'énormité de cet attentat , laiffa là le traité de paix qu'on avoit entamé , ôc de- manda avant toutes chofes qu'on lui livrât les deux meurtriers.
DE J. A. DE THOU Liv. XXVIÏ. 45
On les prit } ôc on les lui remit à ces conditions : Qu'on ne les contraindroit point à rien faire contre les mouvemens de •leur confeience : Qu'on ne leur propoferoit rien de contraire à leur manière de fervir Dieu : Qu'ils feroient promptement ju- gez félon les loix : Qu'étant condamnez 3 ils feroient exécutez fur les confins d'Angrogne , pour fervir d'exemple à toute la vallée, ôc que l'on n'en pourroit tirer aucune conféquence con- tre les droits 3 les privilèges ôc les libertez des habitans de cette •vallée. Les Vaudois furent comblez de louanges pour cette action , qu'on regarda comme une preuve autentique de leur équité & de leur droiture. Le duc de Savoye qui avoit en- trepris cette guerre contre fon inclination , en fut touché , ôc fon Confeil fut étonné de trouver dans des payifans tant de noblefie ôc de grandeur.
Le comte de la Trinité ne îaifîa pas de mettre garnifon dans les environs de Luferne ôc d'Angrogne , de marcher vers Pe- roufe , de camper proche la vallée de S. Martin , ôc d'y demeu- rer un mois entier. Comme les habitans d'Angrogne s'étoient retirez 3 dans le pré 3 dont le Comte n'avoit pu fe rendre maître par la force 3 il efpera qu'en fermant les pafTages des vivres 3 la difette ôc la faim les forceraient enfin à fe rendre. Il fut trompé. Ces hommes accoutumez à vivre de peu 3 ôc dont le courage avoit déjà furmonté tant de difficultez 3 rirent voir qu'ils étoient encore capables de furmonter la faim.
Un mois après, le Comte revint ( c'eft-à-dire le 17 d'Avril.) Il envoya devant un corps d'infanterie Efpagnole 3 avec la gar- nifon de la Tour 5 il gagna la montagne de Tailleret, prit le chemin 3 qui defeend dans le pré vers le midi , ôc s'étant em- paré de ce lieu 3 fit cruellement maffacrer tout ce qu'on fur- prit au lit 3 d'hommes 3 de femmes ôc d'enfans. En même tems , il avoit envoyé deux autres troupes, pour fe rendre au même endroit par les confins d'Angrogne 5 l'une par le haut , ôc l'au- tre par le bas. Les Vaudois ayant apperçu les ennemis dès le matin , donnèrent le fignal ; le combat commença 3 ôc après un rude choc les Efpagnois furent chafTés avec perte. Ce fuc- cès répandit la terreur dans l'armée du Comte ; elle fe retira avec précipitation , ôc dès le même jour elle arriva à Cavors , village à deux milles du lieu où le combat s'étoit donné.
Plufieurs ont crû que fi les Vaudois avoient pourfuivi les
Fij
|
Charle |
|
IX. |
|
1551. |
44 HISTOIRE
, . ■ fuyards dans cette occafion , ôc dans celle qu'ils eurent un moï*r C h arlf auParavant> l'armée du duc de Savoye auroit été entièrement IX défaite. Mais étant en fi petit nombre , épuifés d'ailleurs par • les veilles , les travaux ôc les fatigues , ôc la poudre leur man- quant, ils jugèrent qu il étoit plus prudent ôc plus fur de ne point s'éloigner de leurs retranchemens. On dit encore que les ha- bitans des vallées en uferent ainfi ; parce que dès le commen- cement de la guerre ils s'étoient fait une loi d'épargner , au^ tant qu'ils pourroient , le fang de leurs ennemis.
On arrêta dans le Confeil du Prince ; que pour réduire les Vaudois , on feroit le dégât dans leurs terres, on ravageroit leurs bleds , on couperoit leurs arbres ôc leurs vignes, ôc qu'on éle- veroit deux Forts dans la vallée d'Angrogne. Pour exécuter ces ordres , on fit partir de Briqueras un détachement de ca*- valerie , avec ordre de fe rendre à S. Jean ; mais il reçut en chemin un contre-ordre du Prince 3 ôc l'expédition fut remifê à un autre tems.
Les Vaudois de leur côté ne cefToient de négocier avec le comte de Raconis ; ils l'engagèrent à préfenter à la duchelTe Marguerite époufe du duc de Savoye, deux requêtes, dans îefquelies ils expofoient le bon droit de leur caufe. On y répondit , ôc on ajouta à la réponfe ces conditions : Que les Vaudois fouffriroient qu'on célébrât dans leur payis le Service divin , félon les rits ôc les cérémonies de FEglife Romaine: Qu'ils renvoyeroient leurs Pafteurs : Qu'ils ne tiendroient plus à l'avenir de prêche ou d'alfemblée, félon leur coutume : Qu'ils feroient tenus de racheter leurs prifonniers , ôc qu'il feroit li- bre au Prince de faire conftruire des Forts dans tous les lieux qu'il lui plairoit.
Les Vaudois répliquèrent, par rapport à la première condi- tion : Qu'ils n'empêchoient pas qu'on ne célébrât chez eux la Meffe, pourvu qu'on ne les forçât pas d'y affilier, de contri- buer à la dépenfe , ou de rien faire dont on pût conclure qu'ils approuvoient ou autorifoient ces cérémonies. Ils dirent fur la féconde propofition : Que fi quelques-uns de leurs Pafteurs étoient fufpecls au Prince , ils confentoient qu'on les congé- diât ; mais qu'ils ne feroient point renvoyez qu'on n'en eût fait venir d'autres pour les remplacer, de peur que leurs Egli- fes deftituées de Pafteurs , ne devinffent la proye des loups»
0E J. A. DE THOU, Liv. XXVII. 47
Sur la troifiéme condition , ils remontrèrent très-humblement: ,•
Que la rançon de leurs prifonniers étoit au deflus de leurs for- çH ARLE ces s parce que leurs biens ayant été pillés , ôc leurs maifons j x. brûlées , il ne leur reftoit qu'un fouffle' de vie , pour refpires r - ^ *IV après la paix : Qu'ils fupplioient inftamment le Prince , de vou- loir bien leur rendre ces malheureux fans argent , Ôc d'accor- der la liberté à ceux qui avoient été condamnez aux galères pour caufe de religion. Pour réponfe à la quatrième proposi- tion; les Vaudois promirent au Prince une fidélité inviolable & une parfaite obéïfTance ; ils conjurèrent fon Alteffe de vou- loir bien regarder des fujets rentrés en grâce , comme des mu- railles & des fortifications , plus que fuffifantes pour rendre imprenable unpayis, qui étoit déjà naturellement fortifié pas fa fituation , & de ne faire conftruire ni Forts ni citadelles dans leurs vallées.
Enfin la Paix fut conclue à ces conditions, qui furent mi- fes par écrit : Qu'on oublieroit le paffé : Que le Prince par fa clémence' pardonnerait aux habitans des Vallées 3 fes fujets, tout ce qui s'étoit fait pendant la guerre : Qu'il leur accorde- roit la liberté de confeience > avec la permiflion de tenir leurs alTemblées, & de faire prêcher; mais feulement dans les lieux qui feroient marqués , & non ailleurs : Que les Pafteurs pour- roient néanmoins franchir les bornes preferites ; non pas pour tenir des Prêches , mais pour vifiter ôc confoler les malades , & s'acquitter des autres fondions de leur miniftére : Que fi- par hazard on les interrogeoit fur leur Doctrine 3 ils pourroient librement repondre fans avoir rien à craindre pour leur vie & leurs biens : Que ceux qui étoient abfens pour caufe de Re- ligion 3 pourroient en toute fureté rentrer dans leurs maifons», & y exercer la Religion qu'ils avoient reçue de leurs ancê- tres ; nonobftant les promeffes , abjurations , ou actes contrai- res , qu'ils auroient pu faire : Que ceux qui avoient été pros- crits , ou pour caufe de Religion , ou pour avoir pris les ar- mes à ce fujet, rentreroient en poffeflion de leurs biens : Qu'ils pourroient implorer le fecours des Loix , pour contraindre leurs voiiins à la reftitution des beftiaux & des meubles , qu'ils leur avoient enlevés ; mais qu'ils ne pourroient les retirer des .mains des foldats, qu'en leur en payant la jufre valeur : Qu'ils jouiraient à l'avenir des libertez 3 exemptions ôc privilèges ,
Fiij.
4* HISTOIRE
m, , dont ils demandoient la confervation ■> pourvu qu'ils fiiïent voir
C h \ R l E Par ^es ^tres "8c des pièces autentiques , qu'ils avoient été bien j y ôc dûëment accordés à leurs ancêtres, 6c qu'ils en avoient fait j * $ j un bon ôc légitime ufage : Que le Prince établiroit dans tou- tes les Vallées de fon domaine des Magiftrats pour leur ren- dre juftice > ôc qu'il n'omettroit rien pour leur perfuader , qu'il les tenoit fous fa protection , les regardoit ôc les traitoit com- me fes autres fujets : Qu'ils donneroient aux Magiftrats les noms de ceux qui avoient été bannis , exilés , ou obligés de s'abfen- ter pour caufe de Religion : Qu'ils ne feroient point tenus de contribuer aux frais des fortifications de Villars , à moins qu'ils ne voulufTent d'eux-mêmes , ôc de leur propre mouvement, obliger en cela le Prince : Que le Gouverneur, qui feroitmis dans la citadelle de Villars, ne pourroit, fous prétexte du fer- vice du Prince , rien entreprendre fur les confeiences ôc les biens des habitans des Vallées : Qu'il leur feroit libre de faire venir des Parleurs , à la place de ceux qu'il plairoit au Prince de renvoyer j ( on exclut de cet article le pafteur de Pragela, nommé Martin : ) Que dans tous les lieux où les Vaudois pour- voient tenir leurs affemblées , ôc faire prêcher à leur manière ; îe Prince pourroit de même faire célébrer la Meffe , ôc toutes les cérémonies ufitées dans l'églife Romaine : Que les habitans des Vallées auroient foin qu'il ne fût fait aucune infulte à ceux qui s'affembleroient pour ces cérémonies ; comme ils ne pour- voient de leur côté être infultés , ni forcés d'aiïifter à ces cérémo- nies > ou de rien faire qui femblât les approuver ou autori- fer : Que le Prince leur remettroit tout ce qu'il pourroit exi- ger pour les frais de la guerre ; ôc qu'il leur feroit même grâ- ce des huit mille écus d'or, qu'ils avoient été obligés de pro- mettre au comte de la Trinité 5 en forte que leurs obligations ou billets feroient nuls Ôc de nul effet : Qu'on leur rendroit leurs prisonniers à un prix jufte , raifonnable ôc proportion- né à leurs facultez : Enfin qu'en vertu de ce traité , on ren- droit la liberté à ceux qui avoient été condamnés aux galères pour caufe de Religion. Le Traité fut conclu à Cavors le 5* de Juin, ôc figné pour le Prince, par Philippe de Savoye comte de Raconis ; pour les habitans des Vallées , par François Du- val ôc Claude Berge pafteurs de Villars ôc de Tailleret j ôc par George Monaftier ôc Michel Raimondet fyndics.
D E J. A. DE T H O U, L i v. XXVII. 47
Ainfi fe termina , à des conditions plus défavantageufes qu ho- "^tl'"°J"-1"i'~' norables, la guerre contre les Vaudois , que le duc de Savoye Ch ar L E avoir entreprife comme malgré lui. Ce Prince fage & prudent I X . voulant gagner la confiance de ce peuple malheureux , dont I 5 ^ ** il1 avoit admiré la confiance & la fermeté , voulut bien leur laiffer pour Commandant, celui qui leur avoit appris le métier de la guêtre , ôc qui l.e& y avoit conduits avec tant de luccès* C'étoit un Capitaine-plein de courage & de valeur , que la Re- ligion avoit fait venir dans ce payis. On l'appelloit Caftro- Caro , d'un château de ce nomfitué dans la Toîcane.
Dans le tems qu'on en ufoit ainfi avec les habitans des val- tans d« Par- lées du Piémont, on punifîbit très levérement dans les Payis- bas font mal- Bas ceux qui étoient fufpe£ts en matière de Religion. Pour traue>*- infpirer une plus grande terreur , on brûloit les maifons des particuliers , où fe faifoient les aflemblées : Antoine Perre- not , cardinal de Granvelle , employoit tous fes foins pour em- pêcher que le mal , qui avoit été apporté d'Allemagne , & qu'il voyoit déjà répandu dans toute la France , ne s'étendît plus loin,. Les Proteftans attribuèrent à cq Miniftre l'érection des nouveaux Evêchez , dont nous avons parlé. Il n'en fallut pas d'avantage pour le leur faire regarder comme un ennemi dé- claré, qui fous un titre en apparence plus doux , avoit trouvé îe fecret d'impofer à des hommes libres le joug infupportable de rinquifition , dont le nom feul eft odieux.
Les Proteftans entreprirent de prouver qu'on ne les mal- leurs re* traitoit, que parce qu'ils étoient calomniés. Pour cet effet ils montrances, drellerent une profeftion de foi , qu'ils firent préfenter au roi d'Efpagne : ils le fupplierent de vouloir bien la lire, de faire cefler les fuplices qu'on exerçoit injuftement contre des inno- cens , & de ne les pas condamner fans les entendre. Ils repréfen- toient dans leurs remontrances : Que les troubles des Payis-bas étoient excités par deux fortes de perfonnes , qui avec des vues ôc des partions contraires , tendoient au même but , & vouloient ôter la liberté des fuffrages dans les jugemens : Queles uns, par un zélé indiferet & par une faulTe pieté , entreprenoient de dé- fendre avec opiniâtreté, ôc deconferver toutes les erreurs in- troduites dans la maifon de Dieu , fans vouloir fe rendre à- aucune des raifons qui combattoient leurs fentimens : Que les autres appréhendoient qu'une Do&rine , qui attaquoit leurs-
4S HISTOIRE FV " '
paillons 6c leurs inclinations déréglées, ne prît enfin le deflusi
C h \ r L E Quon ne pouvoit , fans une arrogance intolérable , condamner IX. eeux Q^1 appuyoient leur Doctrine fur les SS. Ecritures : Qu'il i y 6 i. Y avoit une infigne folie, à préférer les inventions des hom- mes à la parole de Dieu 3 réglé fû-re ôc infaillible de la vérité : Qu'il ne faloit employer dans les clifputes fur la Religion , que l'épée à deux tranchans de la divine Parole , ôc non pas le fer ôc le feu : Que cesmoïens violens perdoient les âmes, biea loin de les fauver y ôc rompoient les volontez , au lieu de les plier ôc de les porter à l'accompliffement des devoirs. La pro- feffion de foi des Proteftans des Payis-bas étoit entièrement conforme à celle des Proteftans de France. Cependant pour adoucir l'efprit de Philippe , ôc diffiper tous les foupçons qu'on auroit put lui infpirer fur leur fidélité ôc leur obéïffance , ils ajoutèrent : Qu'ils regardoient comme un devoir indifpenfa- ble, d'obéir aux PuiiTances que Dieu a établies 5 de leur payer les tributs, de leur rendre tous les honneurs qui leur font dûs, ôc de prier le Seigneur pour leur fanté Ôc leur profperité. Affaires de Au commencement de cette année , on arrêta dans le Con*
France. feil du Roi : Que pour mettre fa Majefté en état de diminuer
les fubfides , on retranchèrent une partie des dépenfes de fa maifon : Que les gages des Gentilshommes de la Chambre ôc des autres Officiers feroient réduits à la moitié -, ôc qu'on re- trancheroit un tiers fur les penfîons , excepté fur celles que la libéralité du Roi avoit accordées en forme de penfion viagère aux étrangers 5 foit qu'ils fuffent dans le Royaume , foit qu'ils en fuffent dehors. Mémoire Cette exception donna lieu à un mémoire qui fut préfenté
roi deNavar- au ro* ^e Navarre. On y faifoit voir que toutes les dépenfes
se. faites en faveur des étrangers en tems de paix , étoient à char»
ge à l'Etat , ôc abfolument inutiles. « Nos Rois, difoit-on dans » ce mémoire , fe font autrefois contentez d'avoir une Garde => compofée d'Ecoffois s parce que ces peuples étoient toù- o) jours en guerre avec les Anglois , nos ennemis > mais on » ne faifoit point de penfion à ceux qui demeuroient en Ecoffe. « Quand la maifon d'Autriche s'eft alliée avec la maifon de « Bourgogne , nos Rois ont fait alliance avec les Suiffes , qui o> ont une très bonne infanterie : Tout le monde cepen- * dant convient que cette alliance , utile pendant la guerre,
» eft
3>
DE J. A. DE THOU, Liv. XXVII. &
'» efl: ruineufe en tems de paix. Les SuifTes ont dépouillé la
» Maifon d'Autriche de la plus grande partie de leur ancien ~Z "
» domaine j ils leur ont enlevé leurs terres > leurs villes 3 leurs -*y-
» places , les lieux où font nez ôc où repofent leurs ancêtres.
»> Ils n'appréhendent que la trop grande puhTance d'une Mai- 1 '
« fon qui fe croira toujours en droit de repéter ce qu'ils lui
» ont pris. Ils ont autant befoin de notre protection pendant
w la paix , que nous avons befoin de leur infanterie pendant
* la guerre. Ainfi il ne faut pas craindre que les SuifTes fe fé- « parent de nous. Pour les Allemands 3 ils ne peuvent fe paf- » fer de notre amitié , dont ils viennent en ces derniers tems
de reffentir les avantages. Nous ne devons pas méprifer leur » attachement pour nous ; il efl: à propos de le cultiver , mais »> non de l'achetter } fi ce neft qu'on veuille accorder quel- » que penfion modique à des Officiers de cavalerie ôc d'infan- » terie,afîn qu'ils foient toujours prêts à faire des levées de » troupes dans le befoin , ôc à nous fervir dans les occafions » prenantes. Il ne faut donc payer aux Allemands ni folde » ni appointemens ; ôc ce feroit plutôt à eux à payer tribut à » la couronne de France , en reconnoiflance de la protection « dont elle les honore. Il n'y a dans toute l'Italie aucun Sou- » verain , fi vous en exceptez la Seigneurie de Venife 3 dont le » Roi doive rechercher l'amitié : mais félon les loix de cette » fage République 3 il n'eft permis à aucun de fes fujets de » recevoir penfion de quelque Prince étranger que ce puifle
* être. L'Italie , qui a toujours été ouverte à la puiflance de la » France , ne l'eft pas moins aujourd'hui qu'autrefois ; le Roi » efl: maître du marquifat de Saluces j Cental , Tende , ôc les au- » très barrières des Alpes font ouvertes 5 ôcon peut aifément def- » cendre par là dans le payis qui efl: au-deflbus. D'ailleurs il y « aura toujours entre le grand nombre des Princes qui parta- » gent l'Italie 3 alfez de jaloufies , de différends > ôc de guerres ; » pour en ouvrir à fa Majefté toutes les entrées 3 lorfquil lui « plaira d'en profiter. Pour ce qui eft du Pape, il ne doit ja- 05 mais oublier que fes prédéceheurs ont toujours trouvé un « azile afluré en France ; que l'églife Romaine tient de la li- 35 beralité de nos Rois le riche ôc ample patrimoine qu'elle 05 poffede ; Ôc qu'ainfi elle a befoin , pour le conferver ôc l'aug- 3>. menter,de la même prote&ion qui le lui a acquis. S'il fe
Tomejy. G
$o H I S T OÏRE
» trou'voit dans la fuite quelque Pape aflez ingrate pour ou-
C H a R L E. ™ ^^ei tant ^e kienfaits > & zttçz téméraire , pour faire quelque j^ » entreprife contre la gloire ôc les intérêts du nom François , i < 6 i " il y auroit toujours en France des gens de tête ôc de main 3 m capables de tirer une jufte vengence de fon ingratitude ôc n de fa témérité ; il y en auroit toujours qui marchant fur les » pas de Nogaret1, fçauroient mettre le Pontife à laraifon, ôc 35 le faire rentrer dans fon devoir. »
Les Italiens , par leur avarice Ôc leurs intrigues, s'étoient déjà rendus très-fufpeêts à ceux qui avoient quelque connoiffance des affaires , ôc qui pénétraient un peu dans l'avenir. Onfentit donc bien que ces réflexions tendoient à prouver, non feule- ment qu'il ne falloit leur faire aucune libéralité, mais que fui- vant les loix du Royaume , on devoit les exclure , comme les autres étrangers , de la magiftrature Ôc des dignitez , leur ôter les riches bénéfices qu'ils poffedoient dans le Royaume , ôc les obliger d'en lortir , en leur faifant perdre les idées de fortune que notre ignorance ôc notre foibleffe leur avoient fait con- cevoir.
Le roi de Navarre craignant que la Reine mère , qui étok Italienne., ne regardât le dernier article du mémoire , comme une injure faite à fa perfonne , ne voulut pas le faire lire au Con- On cafle les feil. Cependant pour commencer le retranchement des dé- EcoUbU'esr penfes par une aclion d'éclat , ce Prince fut d'avis de Gaffer les compagnies de cavalerie EcofToife. Quelque eftime que les grands du Royaume , Ôc Coligny entre les autres, fiflent de leur valeur, quelques louanges qu'on donnât aux bons fervi^ ces qu'elles avoient rendus dans les dernières guerres , ôc quel- que perfuadé qu'on fut qu'il étoit jufte d'avoir égard au mérite d'une nation , avec laquelle on avoit toujours été en liaifon j cet avis fut d'autant plus aifément fuivi , que la plus grande partie des Ecoffois étoit attachée à la doctrine des Protef- tans , ôc principalement Jacque Hamilton comte d'Aran leur commandant , que les Guifes avoient fi maltraité à caufe de fa Religion. Retour du Le Roi partit d'Orléans le $ de Février pour fe rendre à Pnnce de Fontainebleau. Il manda le Prince de Condé , qui s'étoit retiré Cour. à la Fere fur Oyfe. Ce Prince vint en pofte à Paris ; il aiïembla
i Ce fut lui qui donna , dit-on , un foufïlet à Boniface VIII.
DEJ. A. DETHOU.Liv. XXVII. $i
lès amis , qui y étoient venus de toutes parts , & il en partit
pour Fontainebleau avec un grand cortège ; mais il eut foin de q h a r l e
le renvoyer en chemin, pour ne pas donner de foupçons. Il jx.
arriva à la Cour, n'ayant avec lui que François comte de la Ro- x - ^ 1#
che-Foucault , ôc Senarpont lieutenant général de Picardie.
A fon arrivée , il falua le Roi 6c la Reine mère , qui le reçu^
rent avec beaucoup de bonté.
Le lendemain ce Prince fut admis dans le Confeil fecret , T v . ,
/ ti r * n' r J clans
comme on en etoit convenu. 11 commença par le juitiner de fonConfeil
ce qu'on lui avoir imputé , puis il demanda au chancelier de Ic déclare in-
l'Hôpital , s il avoit quelques preuves a alléguer contre lui :
Le Chancelier ayant répondu qu'il n'en avoit aucune ; tous
les Grands qui étoient au Confeil déclarèrent unanimement,
qu'ils étoient perfuadés de l'innocence du Prince de Condé.
Tous furent d'avis , que s'étant pleinement juftiiîé des crimes
qu'on lui avoit imputés , il reprît au Confeil la place qui con-
venoit à fon rang > ôc qu'il avoit coutume de remplir.
On drefla fur le champ l'Arrêt, par lequel le Roi féant en fon Confeil , en préfence de la Régente , des Princes de fon fang , ôc de fes confeillers d'Etat , déclaroit : Qu'il avoit des preuves certaines de l'innocence du Prince de Condé 5 ôc qu'il lui permettoit de pourfuivre au Parlement de Paris , appelle communément la Cour des Pairs , une plus ample justifica- tion ou atteftation de fon innocence. S. M. ordonnoit en- core que fa Déclaration feroit publiée ôc enregiflrée , ôc que pour la rendre notoire à toute la terre, on en envoyeroit des copies à tous les AmbaiTadeurs ou Envoyez que S. M entrete- noit chez les Princes fes alliez. La Déclaration étoit dattée du 1 3 de Mars. Peu de tems après , le prince de Condé revint à Paris , pour en folliciter par lui-même ôepreffer l'enregiltre- ment.
Les différends, qui s'élevèrent enfuite entre la Régente ôc le Différends roi de Navarre , troublèrent la Cou'-. Le Prince fe plaignoit gente& ieRoi du mépris que Catherine faifoit de fa perfonne , ôc de l'injufre de Navarre. préférence qu'elle donnoitaux Lorrains , dont il avoit toujours reconnu les mauvaifes intentions fous les règnes de Henri ôc de François II. Il fe plaignoit encore de ce qu'on portoit tous les jours les clefs du château au duc de Guife , au lieu de les lui apporter.
G ij
y-2 HISTOIRE
Le roi de Navarre ajoûtoit : Que jufqu'alors il avoit facri- fié tous fes fujets de mécontentement à la tranquillité de l'E- tat : mais que fon filence ayant rendu fes ennemis plus auda- cieux ôc plus entreprenans 3 il ne pouvoit plus fouffrir leurs infultes : Que fa patience , dont ils abufoient 3 étoit à bout : Qu'il ne pouvoit plus refter à la Cour , fi les Lorrains conti- nuoient d'y avoir le même crédit > ôc que fi la Reine ne les faifoit rentrer dans leur devoir , il étoit réfolu de fe retirer in- cefTamment.
La Régente répondit : Qu'un de fes principaux foins avoit toujours été de diftinguer , ôc d'obliger le roi de Navarre en tout : Qu'au refte elle ne voyoit aucune raifon d'éloigner les princes de Lorraine, qui avoient les premières charges de la Cour , ôc dont les fondions les attachoient néceffairement à la perfonne de S. M. Qu'au contraire elle voyoit bien que fi elle accordoit aujourd'hui unechofe, on en demanderoit de- main une autre ; ôc qu'ainfiil n'y auroit jamais de fin aux plain- tes : Qu'elle vouloit cependant donner au roi de Navarre des marques certaines du defir fincere qu'elle avoit de le conten- ter , ôc de faire ceffer fes reproches fur la garde du château ? Que pour cela elle donnerait ordre aux capitaines des Gardes de porter tous les jours les clefs dans fa chambre ; quoique ce fût un droit attaché à la charge de grand Maître de la maifon du Roi , dont le duc de Guife étoit revêtu , ôc que le conné- table de Montmorency eût toujours jouï de ce droit > tandis qu'il avoit eu cette charge, le mi de Le roi de Navarre indigné de cette réponfe, foûtint que
Prince? &les *es c^s ^u cn^teau avoient été portées au duc de Montmo- grands bffi- rend , non comme Grand-Maître , mais comme Connétable t ciers de la parce qu'en cette qualité les Loix du Royaume lui donnoient
couronne le f , ,1 , * , \«ir t» c
difpofent à le droit de commander par tout ou il le trouvoit. Jinhn on quitter la s'échauffa tellement de part ôc d'autre , que le roi de Navarre fe prépara à quitter la Cour dès le lendemain. En effet il en- voya fes équipages à Melun ; ôc on le vit botté , prêt à par- tir , avec les Princes du Sang , ôc le duc de Montpenfier , quoique ce dernier ne le fit qu'à regret. Le Connétable de Montmorenci , fes fils , ôc les deux frères Colignis fe difpofoient aufli à partir, ôc à laifler les Lorrains feuls à la Cour, poul- ies rendre plus odieux. Ils firent même entendre qu'ils n iroient
DE J. A. DE T H O U , L i v. XXVII. y 3
pas plus loin qu'à Paris , & qu'ils y feroient donner au roi de ' "'S Navarre la Régence du Royaume , qui lui appartenoit. Charlb
La Reine inquiète , & craignant les fuites de cette rupture , I X. en avertit le Roi , qui ayant aufll-tôt mandé le Connétable , & 1 c 6 r. ayant chargé le cardinal de Tournon de le lui amener, lui dé- .
fendit expreiTément de quitter la Cour , dans des circonftances tient le Con- çu il étoit nécetfaire que le premier Officier de l'Etat fût au- né.ta,bIe- Le
vJr r c • i c rL- j/-i roi de Navar-
pres de la perlonne , pour y faire les fonctions de la charge, re refte à U
Xe Roi étoit accompagné des quatre Secrétaires d'Etat , prêts Cour«
à écrire ce qui fe pafferoit , ôc à en dreffer même , s'il étoit be-
foin , un acte public. Soit que la chofe eût été communiquée
auparavant au Connétable , comme on Ta cru , foit qu'il n'en
fçût rien , des ordres fî précis le firent changer de réfolution , &
le déterminèrent à ne point partir. Le Connétable reftant à la
Cour,, ce fut une nécefïité au roi de Navarre de demeurer aufli j
car il étoit de conféquence pour fon honneur , de ne pas faire
connoître qu'on pouvoit fe paiTer de lui pour l'adminiftration
des affaires, & agir fans fa participation & fon autorité.
Le bruit s'étant répandu que la Reine , brouillée avec le roi Embarras d$ ide Navarre, s'étoit tournée du côté des Guifes j l'aflemblée qui la Régente, fe tenoit pour rédiger les cahiers de la ville ôc prévôté de Paris ( comme on faifoit en même tems dans les autres Provinces ) hâtoit fes délibérations autant qu'elle pouvoit. Ort parloit dans ces aflemblées de l'adminiftration des affaires 3 d'éloigner certai- nes perfonnes du gouvernement , d'en mettre d'autres en leur: place j de faire rendre compte aux Guifes de la mauvaife admi- niftration des Finances fous les règnes de Henri 1 1. ôc de Fran- çois IL ôc de faire rendre les gratifications exceffives accordées à ces Princes , au maréchal de S. André , à la duchefle de Va- îentinois , à fes gendres , ôc autres. Le but de ceux qui faifoient ces propofitions , étoit qu'ils fufTent tous exclus du Confeil, tan- dis qu'on y examineroit ces articles. On enveloppa le Connéta- ble dans la délibération ; mais on y ajouta la claufe : au cas qu'il fe trouvât être du nombre de ceux qui dévoient être recherchés. Quoiqu'on fût convenu aux Etats d'Orléans, que les aflem- blées des Provinces ne traiteroient en aucune manière de ce qui avoit été réglé , concernant l'adminiftration de l'Etat , elles nelaiffoientpasd'enfairelefujet de leurs délibérations; per- fuadées , comme on le difoit alors , que c'eft aux Etats à juger Tome IK Qty.*
$9 HISTOIRE
à qui appartient la Bxgence du Royaume & qu'il n'eft pas a\i
Charle pouvoir des Princes du Sang d'y renoncer , pour la faire palier
IX. à d'autres. L'aiTemblée de Paris s'y portoit avec d'autant plus
15 6 1 . de zélé , qu'elle efpéroit d'engager les afifemblées des Provinces
à fuivre fon exemple. Elle fe re- La Reine mère ne trouva point de remède à ce mal plus Concilie avec prompt & plus efficace , que de fe reconcilier au plutôt avec jarre. " ^e r°i de Navarre. C'eft ce qu'elle fit par l'entremife du Con- nétable. Pour rendre leur union plus folide , on convint que le roi de Navarre feroit déclaré dans toutes les provinces Lieu- tenant gênerai du Royaume 5 & que la Régente ne feroit rien que par fes confeils , & de fon confentement. Ces conditions & quelques autres qu'on y ajouta , furent rédigées par écrit, & inférées dans les regiftres du Confeil par les quatre Se- crétaires d'Etat. Les Princes du Sang, & le Prince de Con- dé lui-même , qu'on fit venir exprès de Paris , lignèrent le traité. Enfuite on donna ordre à François de Montmorenci , qui en qualité de gouverneur de rifle de France , devoit pré- sider à l'aflemblée de Paris , d'y faire venir des gens modérés , prudens & capables de réparer par leurs fages confeils les fautes que la témérité des autres leur avoit fait commettre , en fe mêlant mal à propos de l'admininration du Royaume. Le Duc s'acquitta de fa commiflion avec tant de dextérité , qu'en exécutant les ordres de la Reine , il ne fe rendit point fufpe£t au roi de Navarre. Converfs- Dans le même tems arrivèrent en France les Ambaffadeurs tïonduroide ou Envoyés des Rois & des Princes étrangers, pour faire les "v?Zu«(r?/eî complimens ufites entre les Princes , de condoléance fur la de Danne- mort de François ï I. & de felicitation à Charles 1 X. fur fon marck. avènement à la Couronne. George Gluck, ambaffadeur de
Frédéric roi de Dannemarck, qui étoit déjà venu plusieurs fois en France , & qui y avoit demeuré long-tems, étoit de ce nom- bre. Le roi de Navarre l'invita à dîner , & lui promit ( pouffé, dit-on , par la Reine fon époufe ) qu'avant la fin de Tannée , une Religion plus pure feroit prêchée & reçue dans tout le royaume. Il pria l' Ambaffadeur d'en aflurer le Roi fon maître, Gluck en rendit grâces à Dieu , & donna de grands éloges au Roi de Navarre. Mais il le fupplia de faire enforre que la Fran- ce préférât la do&rine de Martin Luther 3 renfermée dans I3
DELA. DE T H O U , L i v. XXVIÏ. y
Confefîion d'Aufbourg , à celle de Jean Calvin , que les Suifles . avoient embraffée. Il ajouta, que cette préférence feroit un Charle grand plaifir aux Rois de Dannemarc Ôc de Suéde, ôc aux jx. Princes Proteftans d'Allemagne , dont les domaines n'étoient 1 . 6 f pas moins étendus , que ceux des Rois ôc des Princes fournis au Pape. On dit que le Roi de Navarre répliqua : Que Lu- ther ôc Calvin étoient oppofés à Rome fur quarante chefs , ôc qu'ils convenoient entre eux fur trente-huit : Qu'ainfi comme il n'en reftoit que deux en litige , fon avis étoit de réunir les forces ôc les troupes de l'un ôc de l'autre parti, pour accabler l'enne- mi commun : Qu'étant une fois abbattu , il feroit aifé de fe concilier, ôc de rendre ainfi à l'Eglife fon ancienne pureté, ôc fon premier éclat.
La Reine ayant en quelque façon appaifé le Roi de Na- LaBeinetâ- varre, par cette apparence d'honneur qu'elle venoit de lui fe ^Jêu^1 céder, voulut faire penfer qu elle favorifoit le parti Proteftant. blé. Mais en même tems elle travailloit à gagner peu à peu le Connétable 5 elle lui découvroit les raifons cachées de là con- duite, Ôc elle lui faifoit entendre : Qu'en feignant de fe ren- dre à ce que défiroient les Proteftans, elle n'avoit point d'au- tre vue que de paroître céder au Roi de Navarre , qui vou- îoit aujourd'hui ce qu'il condamneroit demain : Qu'elle dé- concerteroit ainfi à coup fur toutes fes entreprifes : Qu'au refte c'étoit aux Grands du royaume , ôc à lui en particulier, puifqu'il en poffedoit la première charge , de s'oppofer for- tement à elle , ôc de crier bien haut , qu'on abandonnoit l'an- cienne Religion.
Telle étoit PadrefTe de Catherine ; ôc fa politique fut tou- jours de fe fervir des autres , pour fufciter des affaires à fon concurrent , ôc le mettre mal avec les Grands du royaume. Elle étoit trop habile pour le faire par elle-même, ôc elle n'avoit garde de fe déclarer ouvertement contre le roi de Na- varre, de peur que ce Prince ne renouvellât la difpute fur la Régence , qu'elle venoit de terminer. Depuis ce tems-là , Anne de Montmorenci ne garda plus de mefures. Il murmuroit, ôc fe plaignoit hautement. » On abandonne, difoit-il, l'an- » cienne Religion : On introduit partout de nouvelles affem- =» blées, de nouveaux rits , de nouvelles cérémonies : Des gens » inconnus ufurpent le miniftere facré : On vend publiquement
j<? HISTOIRE
.«-. - - ■--- » de la viande les jours d'abftinence , ôc dans le faint tems du ~ "" » Carême : On n'a plus que du mépris pour l'ancien culte,
yy » que nos ancêtres ont fait pafler jufqu à nous. »
En effet les affemblées de la nouvelle Religion , qu'on avok * * d'abord tenues dans des maifons particulières , fe tenoient dans le Palais , ôc jufque dans le château même du Roi , dans les appartemens qu'il donne par honneur dans fa maifon , dans les chambres du prince de Condé ôc de l'Amiral de Coligni. La Reine elle même montroit afTez le deffein qu'elle avoit de favorifer les Proteftans , puifqu'elle engageoit le Roi ôc les Seigneurs de fa Cour , à entendre dans la grande falle du châ- teau les Sermons de Jean de Montluc évêque de Valence 3 qu'on fçavoit être attaché à la nouvelle Religion.
Un jour que ce Prélat prêchoit fur la corruption de la doc- trine > ôc fur les relâchemens de la morale ôc de la difcipline 5 ôc qu'il décrioit indirectement l'autorité de l'évêque de Ro- me , le duc de Guife ôc le Connétable s'y trouvèrent par ha- zard. Celui-ci indigné contre le Prédicateur , dit tout haut : Que c'en étoit bien afTez pour lui d'avoir perdu fon tems à l'entendre une fois , ôc qu'il n'y reviendroit plus. Montluc fe contenta de repondre en général , qu'il fouhaittoit que la paro- le de Dieu fît par tout de grands progrès. Le Prélat ayant plus de crédit que perfonne auprès de la Reine , le Connétable foupçonna , que quelque chofe qu'elle pût dire pour excufer fa prétendue difïimulation , elle étoit fecretement de concert avec le roi de Navarre fur le fait de la Religion ; que ce changement étoit l'ouvrage de Montluc , ôc qu'elle l'avoitpar fes rufes brouillé avec le roi de Navarre. Ces juftes foupçons éloignèrent de plus en plus Montmorenci de la Régente. D'un autre côté , comme cette PrincefTe l'avoit brouillé avec le roi de Navarre, pour continuer d'être de quelque confidé- Connê- rat^on a *a Cour, il prit le parti de fe réunir au duc de Guife, table fc recon- ôc au maréchal de S. André, Ce fut la ducheffe de Valenti- ciiic avec les nojs ^u[ menagea cette reconciliation ; car quoi qu'elle eût éprouvé la mauvaife foi des Guifes fous François II. le duc d'Aumale fon gendre l'avoit engagée à leur pardonner > ôc à fe reconcilier avec eux.
Cependant Madeleine de Savoye 3 femme du Connétable ; haïffoit extrêmement les Proteftans , ôc cherchoit toutes les
occafiottf
DE J. A. DE THOU, Lfv. XXVII. #
occafions de faire de la peine aux Colignis , pour fe venger '
de ce que fon mari les avoit toujours préférés aux Princes de Ch arl E Savoye (es frères , dans la diftribution des honneurs ôc des di- l X. gnitez. Animée de ce double efprit , elle ne cefîbit de foufler i r 6 u; le feu de la divifion ; ôc s'étant apperçûë que le Connétable avoit déjà quelque averfion pour les Colignis, à caufe de leur Religion , elle n'omit rien pour l'augmenter. Cette Dame , auiîî jaloufe que vindicative, crut que la Reine n'avoit pas pour elle toute la confidération qu'elle méritait, ôc que cette Prin- celTe reconnoilToit allez mal le fervice qu'elle venoit de lui rendre , en la reconciliant avec le roi de Navarre. Elle mit cette ingratitude de la Reine fur le compte de l'Amiral , qui avoit eu l'adrefle de lui perfuader , que faMajefté ne pouvoit mieux faire > que de paroître favorifer le roi de Navarre dans les projets qu'il avoit formés, ôc dans les mouvemens qu'il fe donnoit , pour étendre la nouvelle Religion. Refoluë de fe venger de la Régente ôc des Colignis, elle fe couvrit du voi- le de la Religion , ôc pria fon mari de fe fouvenir de fa naif- fance ôc de fes armes : » Vous êtes , lui dit-elle , d'une des plus ™ illuftres maifons de France. Les armes que vous avez re- *> eues de vos ancêtres , où on lit encore ,Dieu conserve »le premier C h re't i en , doivent vous apprendre ce => que leur exemple vous oblige de faire pour la Religion. * C'eft à vous à la défendre de toutes vos forces , ôc à la confer- » ver dans toute fa pureté. C'eft à vous de maintenir tout le »> Royaume dans l'attachement inviolable que vos pères ont :» eu pour la Sainte églife Romaine. «
S. André, homme artificieux , qui ne fe diftinguoit que par fa malignité , ajoûtoit : Que c'étoit uniquement par les fourdes menaces de l'Amiral^ qu'on avoit parlé dans l'aflemblée de Paris de la mauvaife adminiftration des finances j ôc que ce ne- veu du Connétable, auflî ingrat qu'indigne de fes bontez , n'a- voit propofé cet article , que pour embarafler un oncle , qui l'a- voit comblé de bienfaits.
Melchior Defprés de Montpefat engagea Honorât de Sa- voye comte de Villars fon beau-pere x , à venir à la Cour, pour preiTer le Connétable fon beau-frere , que les difeours de fa femme ôc de S. André avoient déjà ébranlé. Le Comte étant
i II étoit bâtard de Savoye.
Jome IV, H
$S HISTOIRE
, Lieutenant du Connétable dans le Languedoc fut accufé dans Char le ^e Confeil du ^ol par l'Amiral, d'avoir extrêmement maltrai- IX té les Proteftans de cette Province. Peu de tems après il abdi- i f 6 ^ua ^a Lieutenance , ôc Coligni la fit donner à Guillaume com- te de Joyeufe. Celui-ci avoit renoncé à l'évêché d'Alet , qu'on lui avoit deftiné ; ôc comme il n'étoit lié par aucun ordre fa- cré , il avoit époufé Marie fille de René de Bafternay comtes du Bouchage, ôc de la fœur du comte de Villars; Ainfi Villars irrité contre l'Amiral , ôc animé d'ailleurs d'une fecrette envie , n'omit rien pour détacher le Connétable fon beau-frere des Colignis.
Les fages avis de François duc de Montmorenci , fils du Connétable , étoient trop foibles contre de fi grands efforts : : ôc comment un vieillard , quoique fage ôc prudent , auroit-il pu fe débarafTer de tant de pièges qu'on lui tendoit de tous côtés ? Son fils avoit une probité à toute épreuve, Ôc une pruden- ce beaucoup au-defTus de fon âge. Voyant la France, ôcfur tout la haute Noblefle du Royaume > menacées d'une horrible tempête, il jugeoit avec raifon que dans des temps fi fâcheux . il ne falloit perdre aucun ami ni aucun ferviteur, quelque pe^ tit qu'il parût , ôc de quelque religion qu'il pût être. C'eft ce que le duc de Montmorenci avoit déjà modeftement infinué à fon père ; ôc il s'effbrçoit de le lui perfuader , ôc par fes amis dont il employoit le crédit , ôc par les motifs qu'il lui alleguoit.
« Il n'eft pas prudent > lui difoit-il, en cherchant de nouveaux » amis , de perdre les anciens. Il ne faut jamais abandonner «* le certain , pour chercher ce qui ne l'eft pas. Rien n'eft plus =» fufpe£t ôc moins fur , que les paroles ôc les promefTes des » ennemis reconciliés. En perdant d'auffi puiffans amis , que m font le prince de Condé , les Colignis ôc les comtes de la » Rochefoucault , malgré la Religion Proteftante qu'ils pro- » feffent aujourd'hui , vous privez votre maifon de fon plus » ferme appui. Il y a lieu de douter que votre démarche fafTe & pîaifir à la Reine mère ôc au roi de Navarre. Il eft donc » plus fur pour vous, de laifTer les Colignis fe battre contre les & Lorrains ; ôc de n'afïifter au combat que comme fpe&ateur , n ou comme Juge , fans prendre de parti. Si vous enufez ainfi, s> les Lorrains , déjà chargés de la haine publique, feront fans
DE J. A. DE THOU, Liv. XXVII. 0
*> doute vaincus : ôc vous , qui avez toujours fait votre capital mmmmmmmmmmm ™ de l'attachement à la Religion Catholique , ôc de l'obéiiTan- ~Z~ « ce au Roi } vous ferez de droit arbitre ôc Juge dans l'affaire ^^arle » de la Religion. Vous ne pouvez difconvenir qu'il ne s'y ^~*
»> foit gliffé beaucoup de fuperftitions , qui offenfent la divini- I > ( *> té ,: ôc que vous ne devez pas foûtenir. Tel eft le plus indif- « penfable devoir d'un Seigneur , qui occupe la première char- aï ge du Royaume > ôc qui tire fon nom , les armes , ôc fa no- •> blefle du premier feigneur François qui ait embraffé le Chrif- « tianifme.
Il ajoûtoit à toutes ces raifons : Que bien loin d'être cho- qué de ce qu'on avoit parlé de lui dans l'AfTemblée tenue à Pa- ris , le Connétable de voit plutôt fouhaitter que toutes les AiTem- blées , même celle des Etats , prifTent connoifTance de fa mo- dération , de fon activité , de fon zélé, de fes foins, de fes tra- vaux ôc de fa fidélité inviolable dans le gouvernement de l'Etat : Que plus le Théâtre , où on l'expoferoit, feroit élevé s plus il en recuëilleroit de gloire : Que perfonne n'ignoroit les exceflîves dépenfes qu'il avoit faîtes , pour fournir aux char- ges du Royaume , foûtenir fa dignité , ôc fe racheter lui ôc fes enfans , lorfqu'ils avoient été faits prifonniers : Qu'il n'y auroit jamais de Juge , quelque injufte qu'il pût être , qui ne lui ad- jugeât beaucoup plus , qu'il n'avoit reçu de la libéralité des Rois : Que fi on comptoit exactement ce qui lui avoit été ac- cordé de gratifications 3 on trouveroit qu'un Connétable , à qui la France devoit infiniment , n'avoit pas reçu la feptié- me partie des dons exceflifs , que ces goufres de l'Etat , la du- cheffe de Valentinois, S. André , ôc les Lorrains, avoient en- gloutis , uniquement pour affouvir leur infatiable cupidité i ôc que par conféquent ce que le Connétable regardoit comme une injure , tourneroit à fon honneur.
« Enfin , concluoit le duc de Montmorenci , fi les comptes « qu'on exigera dans l'Affemblée des Etats , font fi févéres , »> que vous foïez obligé de donner vous même un exemple , »' pour reprimer la cupidité ôc l'avidité des autres 5 je fuis dif- » pofé dès ce moment, ou lorfque j'aurai hérité des biens qui *> me doivent revenir > à remplir en ce point les vœux du pu- es blic : mais ce n'eft ici qu'une vaine fuppofition. Je fuis per- » fuadé que les Etats vous remettront la fomme que vous
Hij
èo HISTOIRE
, » pourriez devoir, quelle qu'elle puiffe être ; tant ils ont de vie- Charle m n^rat^on Pour votre perlonne > tant le connétable de Mont- iy » morenci a de crédit ôc de pouvoir fur les efprits ôc fur les * c 6 ' 1 " cœurs de tous les François. » *• Le vieux Seigneur , ébranlé par ces raifons, ne faifoit point
de réponfe , finon : Qu'il fçavoit très-certainement que le chan- gement dans la Religion feroit neceffairement fuivi d'un grand changement dans l'Etat : Que pour lui , il étoit entièrement dévoué au Roi , ôc à fes petits maîtres ( c'eft ainfî qu'il appelloit les frères du Roi:) Que fa confcience étant en fureté, il ne craignoit pas qu'on lui enlevât fa dignité ôc fes biens ; mais qu'il ne pouvoit fouffrir qu'on defaprouvât , encore moins qu'on annullât , ce qu'avoit fait le roi Henri , à qui le Royau- me ôc lui avoient tant d'obligations : Que pour ce qui regar- doit les Colignis , qui ne lui étoient pas moins unis par les liens de l'amitié, ôc par tes bienfaits dont il les avoit comblés , que par les liens du fang , il defiroit uniquement qu'ils fuffent réellement aufïi bons ôc fidèles ferviteurs de Dieu , qu'ils fe van- toient de l'être.
Odet Cardinal > Gafpard , ôc François de Coligny , vinrent trouver le Connétable , le prirent en particulier , ôc lui protefte- rent, en prenant Dieu à témoin , que leur éloigneraient pour les Lorrains ne venoit d'aucune haine particulière , mais du zèle pour le bien de l'Etat. Ils le prièrent d'examiner, fi en abandonnant le prince de Condé dans une conjoncture fi fa- cheufe, il ne trahiffoit pas les intérêts du Roi ôc du Royaume. Tous ces confeils furent inutiles. Le Connétable étoit irrité de l'injure , qu'il croyoit avoir reçue de l'aflemblée de Paris. II s'étoit laifle perfuader , par les difcours de fa femme , de la du- chefle de Valentinois , ôc des autres émiffaires des Lorrains : ôc s'imaginant qu'il s'agiffoit dans cette querelle , de la reli- gion, il demeura ferme dans la réfolution qu'il avoit prife. C'efî-pourquoi le Duc fon fils ayant fait à Paris l'ouveiture de l'aflemblée de fa province, fe retira à Chantilly, fous pré- texte de rendre vifite à fa femme qui étoit malade , mais en effet pour s'éloigner d'une Cour contre laquelle il étoit in-
Aflcmblée du digne\
Gouverne- Chriftophle de Thou ôc Pierre Seguier,Préfidens, Ôc plu-
ment de pa- fleurs autres membres de la Chambre des Comptes ôc de la
/
DE J. A. DE THOU , Liv. XXVII. 6t
Cour des Ay des, eurent ordre de préfider aux affembléès du gou- ,
vernement de Paris , ôt d'empêcher qu'on ne fît aucune déli- p bération contraire à ce qui avoit été réglé aux Etats d'Orléans. j y P. Ruzé Avocat au Parlement , homme hardi , entêté 3 ôc fuf- "
pe£l du côté de la Religion, vint s'oppofer à la tenue de Faffem- * ' ' blée, au nom de la Noblefle , difant : Qu'il étoit contre l'ufage Ôc contre la liberté des Etats , que des gens défîmes par le Roi pour rendre la juftice , fuflent commis pour préfider aux affem- fclées. Sa hardieffe ne demeura pas impunie ; il fut arrêté ôc mis en prifon. Quoiqu'il y eût fouvent partage d'avis dans ces af- fembléès, tous néanmoins feréuniffoient pour demander: Que le Clergé fût chargé de payer les dettes de l'Etat ; afin de ré- tablir les finances épuifées par les guerres précédentes, ôc par les liberalitez exceiïives des Rois, Ôc de mettre S. M. en état de diminuer les impôts dont le peuple étoit furchargé. C'étoit, comme nous avons vu , le principal but qu'on s'étoit propofé en convoquant les Etas du Royaume.
La nouvelle union entre le Connétable ôc les Lorrains , fe fortifioit de jour en jour. Le Connétable , pour en ferrer plus fortement les nœuds , célébra la Pâque à Fontainebleau avec les ducs de Montpenfier ôc de Guife > le même jour il les in- vita àfouper, avec Henry prince de Joinville, fils du duc de Guife , ôc le maréchal de S. André. Le Connétable partit le lendemain pour Chantilly , où l'on célébra le mariage de Guil- laume de Thoré fon fils , avec Eleonor d'Humieres, héritière d'une maifon très-noble ôc très-riche.
Peu après le duc de Guife alla à Nanteuil , à cinq lieues ou environ de Chantilly ; Ôc ce voyage ne contribua pas peu à ci- menter l'amitié entre le Connétable ôc le Duc, qui fe iàifoient tous les jours des complimens ôc des politefies, par les courriers qu'ils s'envoyoient fans ceffe l'un à l'autre. Comme la Reine avoit toujours crû que pour affermir fa puifiance , elle devoir entretenir la difcorde entre les Grands , cette réconciliation qui déconcertoit fa politique , ne lui caufa pas moins d'in- quiétude qu'elle en avoit eu, lorfque le roi de Navarre la me- naça de quitter la Cour. Elle étoit extrêmement en peine de fçavoir ,à quoi aboutiroitune union fi étroite entre deux Sei- gneurs , qui avoient été jufqu'alors fi ennemis.
Cependant pour ne rien omettre de ce qui pouvoit attacher,
H iij
tf 2 HISTOIRE
immmmmmmmm de plus en plus les cœurs des François au Roi fon fils > fous le r Tf nom auquel e^e gouvernoit , cette habile Princefle réfolut de
jY *e faire facrer. La Cour partit donc de Fontainebleau , ôevint . " à Monceaux , maifon de plaifance de la Reine , fituée en Brie, X)e Monceaux le Roi prit fon chemin par Nanteuil 5 il emme- Sacre du R°i na avec lui le duc de Guife , ôc il arriva à Rheims. Ce fut dans Orfgine dou- cette vm*e 9ue *es Lorrains renouvelèrent la difpute , fur le teufe , nom- nombre des Pairs, qui dévoient aflifter à la cérémonie du Sacre, des Pair""5 ôc fur le rang qu'ils dévoient y avoir. On difoit communé- ment qu'ils en ufoient ainfi , afin que ne pouvant obtenir les honneurs réfervés aux Princes du fang y ils puffent au moins les diminuer , donner quelque atteinte à leur dignité , ôc s'élever de plus en plus, en profitant de toutes les occafions , que la Fortune leur préfentoit.
Soit qu'on cherche l'origine des Pairs fous la race des Car- lovingiens , foit qu'on la veuille trouver fous celles de Cape- tiens 3 on conviendra qu'anciennement ils ont été douze 5 fix dans l'ordre Eccléfiaftique dont trois font ducs , qui font l'ar- chevêque de Rheims , les évêques de Laon ôc de Langresj ôc trois comtes > fçavoir les évêques de Beauvais , de Cha- Ions ôc de Noyon : fix laïcs, qui font les ducs de Bourgogne, d'Aquitaine , ôc de Normandie ; les comtes de Flandre , de Champagne ôc de Touloufe. Je ne parle point ici des Eecîé- fiaftiques s qui n'ont point changé. Les laïcs ne font plus les mêmes ; parce qu'avec le tems leurs domaines ont péri , ou ont été réunis à la Couronne. On en a depuis établi d'autres , qui dans les grandes cérémonies du Royaume gardent leurs rangs , félon le tems de l'érection de leurs Pairies : leur nom- bre n'eft point fixé. Nos Rois accordent ces titres d'honneur félon leur volonté 3 ou aux perfonnes de grande réputation > ou aux perfonnes en crédit ôc en faveur î comme il eft arrivé aux Lorrains , qui ont tous employé leurs foins ôcleur crédit , pour être honorez de cette qualité. Mais comme dans la cérémo- nie du Sacre , on n'admet que fix Pairs laies , pour reprefenter les fix anciens , on a toujours réglé leurs rangs fuivant l'anti- quité de leurs Pairies. Privilège des j[| n'en eft pas fe m£me des Princes du fang ; parce qu'indé-
Princes du ■ , r . . 9- F, / i
jfeng. pendamment d aucun titre , ils jouiiient des prérogatives des
Pues ôc Pairs , ôc les précédent tous. Cette préfeance n'eft pas
DE J. A. DE T HOU, Liv. XXVII. 6$
un appanage de leurs Pairies , s'ils en ont 5 c'eft un privilège at- .
taché à leur augufte naiffance, qui les fait confiderer comme r HARLE faifant partie de la perfonne facrée du Roi , dont la dignité émi- J ysr nente furpaffe inconteftablement toute autre dignité. Le rang ' ,
que les Princes du fang gardent entr'eux , fuit le droit qu'ils ont * de fuccéder à la Couronne. Il n'y a donc aucun titre , aucune charge , fi ce n'eft à la guerre , qui donne à un Prince du fang la préfeance fur un autre Prince du fang ; le premier dans l'or- dre de la fucceffion l'emporte fur le fécond , ôc ainfi des au- tres : ce qui a été fagement établi par nos Pères , pour ne point troubler l'ordre facré ôc immuable de la fucceffion à la Cou- ronne.
Les Lorrains ont les premiers tenté de renverfer une dif- pofition fi prudente ôc h refpe&able. Le duc de Guife pré- tendit avoir féance au Sacre immédiatement après le roi de Navarre , avant le duc de Montpenfier ; ôc il allégua pour toute raifon , qu'il avoit eu le même rang au Sacre de François IL ôc que le Duc fon père l'avoit auffi obtenu au Sacre de Henri = IL La Reine auffi affinée de la docilité des Bourbons , qu'at- tentive au bien de fes enfans , profita de cette difpute, pour donner le premier pas , avant le roi de Navarre, à Alexandre frère puîné du Roi , qui a depuis été nommé Henri. On n'en avoit pas ufé de la forte au facre de François II ; ôc le roi de Navarre, fi on avoit eu égard à fes titres , l'auroit emporté fur Alexandre.
Avant l'arrivée du Roi à Rheims t Jacqueline de Rohan, „ Mécont^ veuve de François d Orléans marquis de Kotnelin, écrivit a deLongue- îa Cour , pour fupplier fa Majefté de vouloir bien que Léo- v^€a nor d'Orléans , duc de Longue ville , fon fils , fit au Sacre les fonctions de Grand-Chambellan. Sa demande étoit fondée fur une longue poiTeffion. Charle VIL voulant recompenfer les grands fervices de Jean, fils naturel de Louis duc d'Orléans , ôc le dédommager en quelque forte de ce que le défaut de fa naiffance le rendoit inhabile à fuccéder à la Couronne , ac- corda tant à lui qu'à fes defcendans, cette marque de diftinc- tion ôc de faveur. Cette maifon jouiffoit depuis fix vingt ans de cette prérogative , qu'elle regardoit comme héréditaire 3 îorfqu'il plût aux Lorrains d'en fruftrer François 3 coufin ger- ï»ain de Leonor , pour fe l'attribuer, Le duc de Longuevi""
#4 HISTOIRE
fe plaignît hautement de ce procédé, qu'il regardent comme
Çharle une injuftice criante. Ainfi le duc de Guife appréhenda que
IX. Ie fàcre du Roi ne fût une occafion favorable à fon Compe.-
I c 61. titeur , d'obtenir de nouveau , & de conferver pour l'avenir
un honneur qu'on lui avoit injuftement enlevé. Pour parer ce
coup, il fît répondre à madame de Rotelin, qu'on ne lui re-
fufoit pas la grâce qu'elle demandoit ; mais qu'on ne la lui accor-
doit pas comme un droit , dont la maifon de Longueville pût
dans la fuite fe prévaloir. On ajouta même formellement cette
claufe : « Que le duc de Longueville repréfenteroit le grand-
» Chambellan , à la place du duc de Guife. »
Le duc de Longueville ne fe contenta pas de refufer la graçe qu'on prétendoit lui faire , il donna des marques plus éclatantes de fon reffentiment. Madame de Rothelin appréhen- dant qu'on ne l'inquiétât au fujet de la Religion , tandis que fon fils , qui avoit été à la bataille de S. Quentin , étoit prifon- nier chez les ennemis , avoit fait efpérer de lui faire époufer la fille du duc de Guife ; mais le duc de Longueville juftement irrité contre les Lorrains , ne voulut plus en entendre parler.
fin du vingt-feptiéme Livre,
HISTOIRE
<&<$><&<$><$><$><$><$><&
K£T>
'.if- ******************* * ********************* *********************
g******************** ********************* ^rz******************** «,
HI STOI RE
D E
JACQUE AUGUSTE
DE T H O U.
LIVRE VINGT-HVIT IEME.
*5> <î> <5> <5> <ï> <î>
ssswosghso * * * * g
^i* T *§^
E Prince de Condé n'étoit point alors à la Cour. Ce Prince accompagné du cardinal de Bourbon fon frère, fe préfenta au Parlement , & toutes les
* * * *(
lement qui déclare le prince de Condé inno- cent.
Ch a r l e,
IX.
i 5 6 1.
Chambres étant alTemblées , il parla Arrêt du Par. ainfi : » L'impofture de mes ennemis » m'a inutilement attaqué ; Dieu iui- » même a bien voulu prendre ma dé- » fenfe : je viens dans cet augufte tern- is pie de la Juftice > pour rendre ma v juftifïcation autentique , ôc pour faire éclater mon innocen- » ce fur le plus célèbre théâtre de l'Univers. »
Pierre Robert Avocat parla enfuite. Pour donner en peu de mots une idée de fa caufe : « Cette affaire , dit-il , a été » traitée à Orléans devant le Chancelier ôc devant des commif- » faires , fans obferver aucunes formes judiciaires 5 on n'a eu » aucun égard aux appels interjettes, on les a jugé nuls fans Tome IV. I
CS HISTOIRE
*> fans vouloir entendre ni le Prince , ni fon défenfeur : on n'a
~ » point fait à l'accufé les fommations ordonnées par les loix. «i
Charle T^f v -il i r ,f. , ..
j -, JJ ou il conclut que toutes les ientences rendues contre lui
* étoient nulles. » Si le Prince, ajouta l'Avocat, n'a pas voulu ' « répondre , quand on l'a interrogé ; ce n'eft pas que fa conf-
•> cience lui reprochât aucun crime , ou qu'il refusât de fefoû- » mettre aux ordres du Roi, auquel il eft prêt d'obéir en toute > autre circonftance. Mais il n'a pas voulu préjudicier aux » droits des Princes du fang , dont la prérogative eft de ne pou- ?> voir être jugés en ce qui touche leur vie ôc leur honneur , que « par le Roi féant dans la Cour des Pairs. » Lorfque Robert eut fini fon pîaidoyé , il y eut quelques conteftations entre le Parlement Ôc le Procureur Général du Roi , qui de fon pro- pre confentement fut enfin par Arrêt déclaré défendeur , ôc le Prince demandeur. Le Procureur Général fe réferva néanmoins le droit de reprendre fa qualité de demandeur , s'il trouvoit quelques preuves contre le prince de Condé.
Après que le tems donné pour faire de nouvelles informa- tions fut expiré , fans qu'aucune preuve eût été adminiftrée ', les quatre Secrétaires d'Etat , interpellés de dire s'ils avoient à propofer des moyens contre le Prince , déclarèrent avec fer- ment , en préfence du Roi ôc de la Reine , ôc par un a£te pu- blic qu'il n'en avoient aucun. Enfin le 13 de Juin } oui le rap- port de Robert Boëte , de Claude Anjoran, d'Adrien du Drac ôc d'Euftache Chambon , intervint Arrêt , par lequel la Cour declaroit le prince de Condé innocent des crimes qu'on lui avoit imputés 1 lui permettant de fe pourvoir contre fes déla- teurs , pour en tirer une fatisfa£lion proportionnée à fa perfonne & à fon rang s ôc ordonnant que l'Arrêt feroit publié ôc enre- giftré dans les autres Parlemens du Royaume.
L'Arrêt fut enfuite prononcé publiquement par le préfident René Baillet, en préfence de tout le Parlement féant en rob- bes rouges. Le roi de Navarre , le cardinal de Bourbon , le duc de JVÎontpenfier , le prince de la Roche-fur-Yon , les ducs de Guifeôc deNevers, le connétable de Montmorency, les maréchaux de S. André ôc de Montmorency , étoient aflis à la droite. Les cardinaux de Lorraine , de Châtillon ôc de Guife à la gauche, du côté des Confeiilers-clercs. Le même jour Claude Malon, Greffier criminel., lut les Arrêts qui declaroieiît
DE J. A. DE T HOU ,Liv. XXVIII. S?
ïnnocens des crimes imputés , Madeleine de Mailly Dame de .
Roye , belle-mere du prince de Condé, François de Barban- Charle çon Sieur de Cany , Ôc Pvobert de Roye y qui étoient impli- j y^ quez dans la même affaire. On lut auffi l'Arrêt donné en fa- \ c 6 1. veur de François de Vendôme vidame de Chartre , quoiqu'il fût mort ; en réfervant de même à tous le droit de fe pour- voir contre les auteurs ôc inftigateurs du procès.
Tandis que la Cour étoit troublée par les diffentions des ..
Grands , au fujet de la religion , les Provinces n'étoient pas plus fujet de la re- tranquilles. On fe donnoit impunément la liberté de s'atta- kg»»- quer les uns les autres par des paroles piquantes , par des invec- tives , des railleries , Ôc des injures : on fe provoquoit par des noms odieux de parti 5 on fe traitoit de Papilles ôc de Hugue- nots. Les Prédicateurs fouffloient le feu deladivifion , ôcex-» citoient publiquement le peuple à s'oppofer aux entreprifes de l'amiral de Coligny , qui ofoit promettre trop hautement qu'il feroit prêcher , ôc qu'il établiroit la nouvelle doctrine dans les provinces, fans y caufer aucun trouble. Il y eut des émeutes populaires en divers lieux , ôc il s'éleva à Amiens ôc à Pon- toife de vraies féditions.
Le cardinal de Chatilîon évêque de Beauvais , quoique fort aimé de fes diocéfains , courut rifque de fa vie ; parce qu'au lieu de célébrer l'office du jour de Paque dans fa Cathédrale , confacrée fous l'invocation de S. Pierre , comme avoient fait fes prédeceifeurs , il voulut le faire célébrer dans la chapelle de fon palais, par Louis Bouteiller Théologien. Il y aiTifta Ôc y communia -fous les deux efpeces , avec quelques habitans , ôc fes domeftiquee. Le bruit s'en répandit bien-tôt dans la ville, le menu peuple en fut û* ému ôc fi fcandalifé, que quel- ques jeunes gens , fur-tout ceux qui gagnent leur vie à travail- ler en laine , ôc qui ne faifoient rien alors à caufe des fêtes ; coururent dans la ville , ôc entrèrent de force dans quelques maifons.
Ils fe faifirent entr'autres d'Adrien Fourré , Prêtre , foup- çonné d'apprendre aux enfans le Catéchifme ôc les prières de 2a nouvelle religion ; ils l'arrachèrent de fa maifon , ôc après l'avoir affommé , le traînèrent dans la place publique où fe font les exécutions , à deffein de le brûler. A ce tumulte , J'exécuteur de la Juftiçe accourt 5 il défend à la populace de
r0 HISTOIRE
pafTer outre , comme s'il eût été chargé de cet ordre ; il s'em- Charle Pare ^u cadavre du malheureux prêtre , ôc au milieu des ac- IX. clamations d'un peuple furieux, il le brûle, comme s'il avoit i j 6 i. été légitimement condamné. Plusieurs animez par cet horri- ble fpe&acle, vinrent inveflir le palais épifcopal , depuis long- tems fortifié par des tours ôc par de bonnes murailles , contre de pareilles entreprifes de la part des bourgeois. Ils deman- dèrent à voir leur Evêque. Dès qu'il eut paru à une fenêtre , en habit de Cardinal , leur fureur fe calma , ôc comme la nuit étoit proche, chacun fe retira chez foi. Le lendemain la No- blefTe du voifinage, qui avoit été convoquée, arriva dans la ville y ôc calma la fédition par fa préfence.
Le Roi infrruit de ce qui s'étoit palTé à Beauvais , y envoya le maréchal de Montmorency , coufin germain du cardinal de Chatillon , ôc gouverneur de l'Ifle de France , dont Beau- vais dépend. Le Maréchal prit avec lui les juges royaux de Senlis , ôc informa pendant quelques jours contre les auteurs de la fédition. On fe contenta de faire le procès à deux : l'un étoit ferrurier , ôc l'autre étoit le bourreau , qui fut puni pour avoir ofé faire une exécution fans l'ordre des magiftrats. Comme il n'y avoit pas affez de preuves contre les autres, ôc que la fé- dition n'avoit été précédée d'aucune aflemblée ou délibération publique , on prononça feulement qu'il en feroit plus ample- ment informé. Ordonnance On emprifonna à Paris pour le même fujet un certain Jean du Roi don- (je fjan j prédicateur étourdi ôc furieux , religieux de l'Ordre aln de ces" °£ue François de Paule inftitua du tems de Louis XI. Ces troubles, troubles déterminèrent enfin le Roi , qui étoit encore à Fon- tainebleau , à envoyer dans toutes les Provinces une nouvelle Ordonnance. Elle fut adreffée aux Gouverneurs , ôc non aux Parlemens.» parceque le mal preflbit , ôc demandoit un prompt remède. Sa Majefte défendoit par cette Ordonnance d'em- ployer les noms odieux d'Huguenot ôc de Papille ; de troubler la fureté , la tranquillité, ôc la liberté dont chacun doit jouir; ôc d'aller en troupes grandes ou petites dans les maifons d'au- trui , fous prétexte' de faire exécuter les anciens Edits , qui dé- fendoient les alfemblées : Ordonnoit de rendre inceffamment la liberté à ceux qui avoient été arrêtés pour caufe de religion : Permettoit de rentrer dans le Royaume à ceux qui en étoient
DE J. A DE THOU, Liv. XXVIII. '69
fortis pour la même caufe , depuis le tems de François 1 5 les j_ affûtant qu'ils n auraient rien à craindre pour leurs vies ôc pour C H a R l E leur liberté, pourvu qu'ils vécufTent en Catholiques ôc fans jy fcandale : Permettoit à ceux qui ne voudroient pas refter dans x - J. le royaume à ces conditions , de vendre leurs biens ôc de fe retirer ailleurs.
Le Parlement de Paris défendit , par un Arrêt, de publier Le Parle- _ cette Ordonnance ; ôc dans les remontrances qu'il préfenta au Snd^e h Roi , il allégua pour juftifier fa conduite : Qu'il étoit contre publier , & l'ufage d'adrefler aux Gouverneurs s ôc non aux Parlemens , ^oniZ^s une Ordonnance qui ne peut être regardée comme Loi dans au Roi. l'étendue de leurs gouvernemens , qu'elle n'ait été publiée Ôc enregiftrée dans les Cours Souveraines du royaume: Que l'Or- donnance fembloit donner à chacun la liberté de choifir telle Religion qu'il lui pïairoit, quoique jufqu'alors la France eût toujours rejette les faufles Religions , ôc n'eût admis que la feule véritable : Qu'en accordant la liberté de rentrer dans le royaume à des fujets qui en avoient été bannis depuis long- tems , pour avoir embrafTé une fauffe Religion , on donnoit lieu à une infinité de difputes, de procès ôc de troubles: Que la claufe inférée dans l'Ordonnance , Pourvu qu'ils vécuffent-en Catholiques & fans fcandale , n'étoit pas une barrière fuffifan- te pour contenir les Proteftans dans leur devoir , puifque l'ex- périence apprenoit tous les jours que la plupart abufoient du nom de Catholique. Enfin qu'on accordoit à ceux qui étoient hors du Royaume, ôc qui ne voudroient pas y revenir pour vi- vre en Catholiques , la permifïion de vendre leurs biens , ôc de fe retirer ailleurs ; difpofition contraire aux Loix , qui dé- fendent de porter l'argent du Royaume chez les étrangers, ôc particulièrement chez nos ennemis.
Quoique l'Ordonnance , qui n'avoit pas été vérifiée dans la forme ordinaire , ne fût pas également obfervée par tout , on rendit néanmoins la liberté aux prifonniers ; ôc les exilés , re- venus dans leur patrie , furent remis dans leur premier état. Un Edit fi favorable aux Proteftans , en augmenta confidéra- blement le nombre , ôc rendit leurs afTemblées plus fréquentes ôc plus nombreufes.
C'eft ce qui engagea le cardinal de Lorraine , le Roi étant encore k Rheims , de porter fes plaintes à la Reine mère , ôc
■i r i T ...
I llj
70 HISTOIRE
,.„.., ....^irr— de dire hautement : Que les affaires alloienc de niaî en pis i C h arl E Que *e P*us grand nombre abufoit des Edits de fa Majefté , ôc I X. portoit jufqu'à la licence la liberté qui leur étoit accordée : ï < 6 i. Que ^es villages , les bourgs & les villes retentiffoient du bruit Plaintes du des affemblées , toutes défendues qu'elles étoient : Que tout le cardinal de monde accouroit aux Prêches : Que les ignorans y venoient î^cTa3 déclara" Par curiofité 6c pat amour pour les nouveautez ; & qu'ils fe tion. laiffoient féduire avec la même facilité qu'ils y alloient : Qu'on
n'avoit plus d'ardeur & d'attachement pour l'ancien culte : Que plusieurs fe moquoient des cérémonies les plus refpeêtables de l'antiquité : Que la multitude quittoit la Religion Catholique, pour paffer dans le parti des Proteftans : Que tant d'Edits ajou- tez les uns aux autres ne produifoient d'autre effet , que d'en- tretenir ôc d'excufer la négligence des Magiftrats. De tout ceci le Cardinal concluoit 3 qu'il étoit neceffaire , en attendant les conférences qui dévoient fe tenir par ordre du Roi,, pour ter- miner les difputes fur la Religion , de ne rien innover ; ôc d'en, faire une loi inviolable , qui feroit publiée ôc enregiftrée au Parlement. On crut que le Cardinal avoit exprès parlé de la forte , parce qu'affuré des fentimens ôc de la refolution du Parlement , il fe flattoit d'empêcher , par les réglemens que Ton feroit dans cette affemblée , la célébration d'un Concile national , qu'il fçavpit n'être pas du goût de la Cour Ro- maine. le Roi vient Le Roi , la Reine fa mère , les Princes , les Grands du royau* au Parlement, me, tous les Confeillers d'Etat , ôc le prince de Condé lui-mê- me y vinrent au Parlement , pour y délibérer fur les moyens de remédier aux troubles préfens. Le chancelier de l'Hôpital ouvrit F Affemblée par un difcours , dans lequel il recommanda au nom du Roi , que l'on opinât en peu de mots. « Iln'eft pas w queftion ici , leur dit-il , de parler des matières de la Reli- * gion : on doit les traiter au premier jour dans un Concile na- v tional. Il s'agit feulement des moïens dont on pourroit fe » fervir 3 pour prévenir les troubles qui s'élèvent tous les jours v dans le Royaume, à l'occafion de ladiverfité des fentimens « fur la Religion ; pour rétablir la paix Ôc la tranquillité publi- » que b pour faire rendre à la Majefté du Souverain l'obéïffan- »> ce qui lui eft due > pour empêcher ou reprimer la licence ôc ?» la rébellion , fuites prefqu'inévitables de ces diffentions. »
DE J. A. DE THOU , Lfv. XXVIII. 71 Les avis fe réduifirent à trois. Le premier , de fufpendre .ri ' ■ nui» l'exécution des Edits contre les Proteftans, jufqu'à ce que le Ch a rle Concile eût prononcé fur les articles qui faifoient le fujet des j ^ conteftations. Le fécond, de les punir du dernier fupplice. Le w 5 L; troifiéme , de renvoyer aux Tribunaux Eccléiiaftiques la con- noiflance de cette affaire 5 de punir de mort ceux qui feroient des affemblées défendues , ou en fecret , ou en public , avec des armes ou fans armes 5 ôc de défendre fous les mêmes pei- nes de s'écarter, en prêchant ôc en adminiftrant les Sacremens-, des cérémonies ôc des ufages reçus ôc obfervés jufqu'alors dans l'Eglife Romaine.
Ce dernier avis , fuivant le calcul fait par le Greffier Jean du Tillet, l'emporta à la pluralité des voix, après beaucoup de débats. La plupart fe recrioient , ôc accufoient le Greffier de n'avoir pas compté fidèlement les fuffrages > ôc d'y avoir compris ceux qui n'avoient pas affifté au commencement des délibérations : abus contraire à l'ufage ôc aux loix , ôc qu'on ne devoir pas fouffrir.
Enfin ce fut fur ce plan ; mais avec diverfes modifications > Edit de Juif- qu'on drefTa FEdit de Juillet, ainfi appelle à caufe du mois où let- il fut rendu. Le Roi , par cet Edit , ordonnoit à tous fes fujets de vivre en paix , ôc de s'abftenir des injures , des reproches ôc des mauvais traitemens ; Défendoit toutes levées de gens de guerre, tous engagemens , ôc tout ce qui pouvoit avoir quelque apparence de faction, de confpiration , ou de révolte ; Enjoignoit aux Prédicateurs , fur peine de la vie , de ne point ufer dans leurs Sermons de termes trop vifs , Ôc de traits fedi- tieux ; mais d'inftruire modeftement le peuple : Attribuoit la connoifTance ôc le jugement en dernier reiîort de toutes ces affaires aux Gouverneurs des Provinces, ôc aux Sièges , qu'on appelle Préfidiaux : Défendoit de tenir aucunes affemblées pu- bliques ou particulières , quoi qu'on y vînt fans armes : Or- donnoit de fuivre dans l'adminiflration des Sacremens , la pra- tique ôc les ufages de l'églife Romaine : Refervoit aux Juges Eccléfiaftiques la connoifTance ôc le jugement du crime d'hé- réfie : Prefcrivoit aux Juges Royaux de ne prononcer que la peine du banniffement , contre ceux qui feroient trouvés affez coupables , pour être livrés au bras féculier. Sa Majefté décîa- loit enfin , que toutes ces Ordonnances fubfifteroient, jufqu'à
72 HISTOIRE
ce qu'un Concile général ou national en eût autrement dé-
C h \ r l E Ci^-
tv- On ajouta à l'Edit une amniftie générale , ôc une abolition
, ^ /c ", de tout le pafle , pour ceux qui avoîent caufé des troubles au fujet de la Religion ; pourvu qu'à l'avenir ils vécufTent en Ca- tholiques ôc en paix. On ordonna auiïi que les délateurs con- vaincus de faux feroient grièvement punis ', ôc l'on défendit abfolument le port des armes à tous ceux à qui les Edits ne permettent pas expreffément d'en porter. Colloque re- Dans la même Affemblée, on arrêta, mais par une délibé- fofu&convo- cation à part, que les Prélats fe trouveroient aux Colloques, ll,/# ou Conférences qui dévoient fe tenir au premier jour fur les matières de la Religion j ôc que Ton accorderoit des fauf-con- duits aux miniftres Proteftans , qui dévoient y venir. Le plus grand nombre s'oppofa à cet article , difant que c'étoit com- promettre ôc expofer témérairement à un très-grand danger la Doclrine reçue dans tous les temps , ôc la Religion de nos Pè- res. Mais le cardinal de Lorraine fut en ce point de l'avis de la Reine Catherine , ôc tint ferme pour les Colloques. C'é- toit fans doute dans l'efperance de faire montre de Ion efprit , ôc de s'attirer les applaudiflemens du peuple , dont il étoit très jaloux : car il fe vantoit de confondre les Proteftans par les té- moignages des Pères > ôc pour infpirer du courage ôc de la • confiance à ceux de fon parti , ce Prélat leur faifoit de mag- nifiques promeiTes. Ainfi afin d'accélérer un triomphe dont îe Cardinal fe croyoit affuré , on convoqua le Colloque àPoiffy, ville peu éloignée de S. Germain , où tous ceux de part ôc d'autre, qui dévoient afTifter aux Conférences , eurent ordre de fe trouver le 10 d'Août.
Quelques temps auparavant François d'Efcars fut convaincu par des pièces , qu'on difoit écrites de fa main , d'avoir conf- piré avec le duc de Guife contre le roi de Navarre , qui l'a- voit pour cela chaffé de fa maifon. Mais l'ayant reçu de nou- veau , ôc rétabli dans fon premier emploi , ceux à qui la fidélité de d'Efcars étoit fufpecle, en furent affligés , ôc confeillerent à l'Amiral , qui s'étoit éloigné de là Cour pendant le voyage du Roi à Rheims, d'y retourner promptement, ôc de veillera la fureté du Roi de Navarre , qu'ils voyoient avec peine livré aux artifices, ôc environné Ûqs pièges de fes ennemis.
Le
DE J. A. DETHOU.Liv. XXVïII 73 Le duc de Guife au retour de Calais , où il avoit conduit
Marie reine d'Ecoffe, parut n'avoir rien plus à cœur, que de Çharle fe réconcilier avec le prince de Condé , que le Roi avoit man- j x. dé dans cette vue. Le Prince écrivit fécretement à tous fes amis j^I( de le venir trouver , ôc en particulier au maréchal de Montmo- renci , qui vint avec un grand nombre de Gentilshommes , mais trop tard ; car l'affaire étoit déjà faite.
Le 28 d'Août1 , on tint une grande AfTemblée 3 où fe trou- vèrent le roi de Navarre , les cardinaux de Bourbon , de Lor- raine , de Châtillon , d'Armagnac ôc de Guife •■> les ducs de ■ n?9?*1^ Montpenfier y de la Roche-fur-Yon , de Nemours 3 de Nevers Guife avec le ôc de Longueville 5 le connétable de Montmcrenci > ôc Jean Pnnc5, de de Brofles d'Etampes ; le chancelier de l'Hôpital ; les maré- chaux de S. André ôc de Briffac ; l'Amiral de Coligni ,, ôc les Confeiilers d'Etat , avec le prince de Condé ôc le duc de Guife. Le Roi adreffant la parole à la Reine fa mère , dit qu'il les avoit affemblés, pour terminer les différends quiétoient entre le prince de Condé ôc le duc de Guife , Ôc pour les reconcilier. « J'efpere , ajouta le Roi , qu'ils voudront bien » le faire pour l'amour de moi , Ôc pour la tranquillité publi- £» que. » Il ordonna enfuite au duc de Guife de dire fincére- ment au prince de Condé les chofes , telles qu'elles étoient. Le Duc répondit qu'il alloit obéir à fa Majelté ; puis adreffant la pa- role au prince de Condé : « Je vous,protefte , Monfieur , lui dit* °> il y que je n'ai point été l'auteur de votre emprifonnement , « ôcque je ne l'ai pas même confeillé. » Le Prince fe tournant de même vers le duc de Guife , dit : « Qui que ce foit ., qui s> m'ait fait cette injure , je le regardai toujours comme un mal- o> honnête homme Ôcun fcelerat. » Le duc répondit qu'il pen- foit comme lui 3 mais que cela ne le regardoit point. Le Roi les fit embraffer l'un l'autre , ôc promettre mutuellement qu'ils feroient toujours amis, comme il convenoit à des parens. On dreffa un a£te autentique de cette reconciliation , qui fut li- gné par Claude de Laubefpine ôc Jacque Bourdin fecretaires d'Etat. La Cour parut applaudir à cet accommodement ; ôc îa Reine marqua publiquement fa joie, par le magnifique repas qu'elle donna le même jour aux Princes Ôc aux principaux Seigneurs.
j Le père Daniel dit le 24,
Tome IV, K
74 HISTOIRE
Quelques-uns blâmèrent le maréchal de Montmofenci , de Ch rie ce qu'en venant trouver le prince de Condé avec une fi nom- j y * breufe fuite 3 il avoir marqué trop d'attachement pour les Bour- / bons ; mais le Connétable Ion père dit pour le juftifier, qu'ayant l'avantage d'être allié aux Princes delà maifon de Bourbon., il fe feroit rendu indigne d'une alliance fi honorable , s'il eût man- qué en pareille occaiion à rendre ce qu'il devoit à un Prince du fang.
Plufieurs difoient que le prince de Condé s'étqit trop prefle de faire fon accommodement , parce qu'ils prévoyoient que le duc de Guife étant reconcilié avec lui 3 rien n'empêcheroit qu'il ne fe formât une union très-étroite entre le duc de Gui- fe & le Connétable. En effet } il étoit aifé de voir que ce vieux Seigneur ne tenoit plus au prince de Condé 3 que par bien- féance ôc par honneur 5 & qu'il en étoit réellement très-éloigné par principe de Religion. Aflemblée L'affemblée des Etats commencée à Orléans l'année pré- cédente 3 ôc renvoyée à Pontoife pour le mois de Mai de cette année , fut encore prorogée jufqu'au mois d'Août , à caufe des affaires preffantes dont la Cour étoit accablée. On y envoya André du Mortier , & bien-tôt après l'Amiral de Coligni^ pour engager tous les Ordres du Royaume à confirmer le trai- té touchant la Régence , conclu entre la Reine mère ôc le roi de Navarre. L'un & l'autre eurent bien de la peine à obtenir cette ratification des Etats 3 qui ne fe rendirent qu'aux inftan- tes prières du roi de Navarre.
Les trois Ordres ayant déjà employé bien du tems à compi- ler ôc a rédiger les demandes de